Une minute de silence pour faire du bruit. Alors que le compte du mouvement #noustoutes vient de répertorier la 100e victime de féminicide pour l'année 2019, le mouvement Twitter lancé par la militante Sofia Antoine prend de l'ampleur.
"Puisque nos cris ne sont pas entendus, imposons un silence assourdissant au gouvernement", légende Sofia Antoine, dans un Tweet qu'elle a épinglé le 15 août 2019. Lorsqu'elle l'a posté, 91 femmes avaient été assassinées par leur conjoint ou leur ex-conjoint. Pour leur rendre hommage et dénoncer l'inaction du gouvernement, elle a appelé les internautes à partager une vidéo dans lesquels ils se filmaient en train de faire une minute de silence.
À l'origine, l'idée était de faire "91 minutes de silence pour les 91 femmes assassinées", mais une semaine après son annonce, elle a déjà reçu plus de 200 vidéos. Plus les jours ont passé, plus les visages fermés et muets d'horreur, de compassion, ou de vécu se sont multipliés. Celle qui est aussi membre des FEMEN a lancé un nouveau hashtag venant rejoindre #JeSuisFéminicidophobe : #UneMinuteDeSilencePourElles.
Le 1er septembre 2019, de nouveaux féminicides sont encore à déplorer, selon le recensement sur le compte Instagram du mouvement #noustoutes, celui de "Féminicides par compagnons ou ex" ou encore tout simplement le compte Twitter de Sofia Antoine, @sofiasept.
Contactée par RTL.fr, Sofia Antoine a expliqué sa démarche. "Il venait d'y avoir 5 meurtres de femmes en 3 jours. C'était un ras-le-bol, un cri de désespoir", a-t-elle expliqué. "Ces femmes victimes de féminicides, on les décompte mais on ne voit pas leurs visages, elles sont anonymes. Là, ça m'a permis de donner du vivant, de la viscère à la lutte". Chaque vidéo est unique, chaque personne se saisit de cette minute pour s'exprimer de manière non-verbale. Ces minutes de silence sont des sortes de témoignages venant de personnes de tout sexe, de tout âge.
Parmi ces séquences sont présentes celles de la maman de Sarah, une victime de féminicide. Sofia a aussi reconnu de nombreux témoignages de femmes victimes, certaines qui sont encore en pleine procédure, d'autres qui le vivent toujours. Ces victimes, Sofia est en contact avec elles parce qu'elle a été confrontée à une situation grave, il y a quelques mois.
En février, la militante a publié une vidéo sur Twitter sur laquelle on entend les cris déchirants de sa voisine, pour alerter : "La police passe, réclame juste une pièce d'identité et repart, c'est normal ?", légende alors Sofia Antoine. Depuis, elle a été repérée par des femmes victimes et a commencé à discuter avec un certain nombre d'entre elles.
"J'ai pris connaissance du 'darknet' des violences conjugales", a-t-elle confié à RTL.fr, "J'ai réalisé à quel point il y avait des dysfonctionnements au niveau des prises en charges des victimes, au niveau de la police et de la justice. D'ailleurs, la dernière victime était en train de quitter ce conjoint violent. Depuis, je les soutiens, je les coach pour qu'elles s'expriment sur les réseaux sociaux", a déclaré l'activiste, qui a notamment soutenu Laura, lorsqu'elle était en situation d'urgence.
Sofia Antoine est militante au sein du mouvement FEMEN, qui a fait de cette lutte l'un de ses chevaux de bataille, depuis 7 ans. Le 30 mai 2019, une soixantaine d'activistes s'étaient retrouvées lors d'une action pour "sensibiliser la société" au phénomène des féminicides.
Elles avaient brièvement investi les colonnes de Buren de la cour d'honneur du Palais-Royal, la poitrine marquée du nom des victimes et de la manière dont elles ont été assassinées. "Dolores, étranglée", "Pierrette, poignardée", "Anonyme, battue à mort", chaque activiste avait le nom d'une des 60 femmes qui avaient été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint.
Certaines avaient des fleurs dans les cheveux et beaucoup brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire des messages comme "aux femmes assassinées, la patrie indifférente", "une femme va être tuée dans 48h" ou encore "stop féminicide". L'action avait également pour but de dénoncer le manque d'action du gouvernement.
Un "grenelle contre les violences conjugales" a été annoncé par la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa. Il devrait avoir lieu le 3 septembre 2019, mais pour l'activiste, c'est une manière pour le gouvernement de "gagner du temps".
"À un moment, il faut agir, il faut se positionner. Il faut une réelle ligne budgétaire pour les violences faites aux femmes. Quand les victimes arrivent au commissariat, les plaintes ne sont pas prises, elles doivent se battre pour être entendues, on leur propose des mains courantes et ce n'est pas normal", a-t-elle expliqué à RTL.fr.
Sofia Antoine dénonce le manque de moyens alloués à la problématique, et le non-respect des lois : "Je l'ai vu. Il n'y a pas d'hébergement en centre d'accueil et encore moins au mois d'août où les féminicides se multiplient parce que tout fonctionne au ralenti. Ce que je propose, c'est que le féminicide rentre dans le Code pénal. Quand il n'est pas nommé, on ne peut pas le combattre. J'aimerais aussi que ce ne soit pas aux femmes de partir mais bien au conjoint violent. Il faut que les bracelets électroniques soient efficaces".
"C'est une situation de crise. Je veux bien qu'on fasse un bilan mais je demande juste que ce que la France a ratissé soit appliqué, comme la Convention d'Istanbul, signée en 2011", a-t-elle expliqué. "Les femmes ne sont pas entendues, ne sont pas aidées, ne sont pas soutenues. Les ordonnances de protection ne sont pas respectées. Lorsque certaines femmes appellent pour dire que leur ex-conjoint n'est pas loin, la police balaie l'information d'un revers de la main", dit-elle encore.
Lorsqu'on lui demande ce que vont devenir ces vidéos, l'activiste a déjà quelques idées : "Je vais prendre comme date butoir la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre et puis la fin du grenelle, puis je vais mettre ces vidéos bout à bout et j'enverrai le résultat au gouvernement".
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