Orthographe : faut-il écrire "automne" ou "autone" ?

C'est une chronique de saison, amis des mots. Vous avez remarqué ? La grisaille, la pluie, les feuilles qui tombent ? Il y a peu de doutes sur la question : nous sommes en automne. Et c'est sans doute ce qui a inspiré Gilles, qui me pose cette question sur Facebook : "Pourquoi diable écrit-on autoMNe ce que l’on prononce autoNe ?"

Eh oui, encore une bizarrerie de notre orthographe. D’abord c’est une succession rare en français, ce M suivi d’un N. Pourtant l’automne n’est pas le seul mot qui affiche ce comportement étrange. Eh non ! Une porte condamnée, par exemple, ça s’écrit bien "condaMNée".

Dans la même famille que condamner, la damnation et les damnés, c’est idem : un M muet, avec M + N prononcés comme un N tout court. Est-ce à dire que la suite MN se prononcerait “n” en français ? Et puis quoi encore ? Ce serait trop simple ! On entend bien les deux lettres M et N dans amnésie ou amnistie, par exemple, ou omnibus, indemne, ou indemnité, hymne ou même gymnastique… ou insomnie ! Alors pourquoi cette différence de traitement ? Pourquoi oMNibus et insoMNie mais automNe et damNation ?

Le mot ne s'est pas toujours écrit comme aujourd’hui

Automne vient du latin autumnus (donc voilà l’origine du MN). Il apparaît en français dès le XIIIe siècle. Or, explique la Banque de dépannage linguistique sur son site, "les mots latins qui contenaient le groupe ‑mn- et qui ont été introduits en français avant le XVIe siècle ont eu tendance à se transformer, les lettres -mn- devenant souvent -nn-, et parfois même -n- [tout court]. Néanmoins, la graphie originale du groupe latin -mn- a parfois été conservée telle quelle en français. Elle est aussi présente dans des mots qui ont été empruntés plus tard au latin"… comme gymnastique ou omnibus !

D’ailleurs, automne ne s’est pas toujours écrit comme aujourd’hui. À l’époque médiévale, on a pu l’écrire beaucoup plus simplement AUTON et même AUTONNE. L’orthographe actuelle est plus proche de l’étymologie latine mais, comme souvent en français, plus éloignée de la prononciation.

Un ou une automne ?

Ce qui est rigolo aussi avec automne, c'est son genre. Vous dites un ou une automne, amis des mots ? Si vous dites un automne, vous avez juste. Mais je vois souvent des erreurs là-dessus, comme à chaque fois d’ailleurs qu’un nom masculin se termine par un E muet… comme obélisque, astérisque, apogée, haltère ou planisphère, tous ces noms que l’on a souvent envie de mettre au féminin à cause de la façon dont ils s’écrivent (on dit bien un obélisque, un astérisque, un apogée, un haltère, un planisphère, eh oui…).

Mais figurez-vous que les gens qui se trompent sur le genre d’automne sont juste nés… un peu trop tard : automne, dans l’histoire, a fait preuve d’une certaine "fluidité de genre", comme on le dit aujourd’hui des personnes oscillant entre féminin et masculin. Pour le premier dictionnaire de l’Académie, en 1694, automne est masculin, mais il précise "Certains le font au féminin et écrivent AUTONNE". Une autonne. OK. Dico suivant, en 1718 : idem. Et soudain, en 1740, retournement de casaque, les Immortels déclarent automne féminin, précisant "quelques-uns le font masculin, surtout en poésie".

Tiens ? Dico suivant, 1762, automne est dit masculin ET féminin, cette fois, avec les exemples : "Un bel Automne. Une Automne froide & pluvieuse"… Si, si.
Ce n’est que depuis 1935, avec la 8e édition du dictionnaire de l’Académie, qu’automne est devenu exclusivement masculin. Bref, vous voyez que la faute qui consiste à dire une automne au lieu d’un automne est toute relative.

J’en profite pour préciser au passage qu’automnal se prononce comme automne. Il n’y a plus que le dictionnaire de l’Académie française, celui qui est le moins souvent mis à jour, qui dise que l’on prononce “parfois” le M dans automnal. Moi je dis : essayons de garder une certaine logique ; on dit autoNe, disons autoNal.

Et pour en finir avec le couple M+N, petit post-scriptum à souligner en rouge : attention à l’orthographe du dileMME, que l’on a souvent envie d’écrire comme indeMNe mais qui lui s’écrit bien comme il se prononce : DILEMME. Pas de N au dilemme. Bon, et après tout, si l’automne ne s’écrit pas comme il se prononce, le printemps se termine, lui, par un P et un S qui ne se prononcent pas davantage… mais ça, c’est une autre histoire !

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