Langue française : quand le mot "petit" ne veut pas toujours dire "petit"

Il est des mots dont le sens nous semble évident… et qui pourtant ont de quoi nous surprendre, s’amuse Muriel Gilbert.

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Langue française : quand petit ne veut pas dire petit

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Amis des mots, j’ai bien envie de vous parler du mot "petit". Sans doute vous demandez-vous ce que j’ai à vous dire de ce petit mot-là… Certes, petit est un de ces mots banals qu’on utilise deux cents fois par jour, et qu’on croit bien connaître… et pourtant, il va vous surprendre, vous allez voir.

D’abord, c’est quoi, pour vous, petit ? "Eh bien, c’est… 'pas grand' !", me direz-vous. C’est un bon début. L’idée d’une taille inférieure à la moyenne est le premier sens du terme. Comme grand, petit est un adjectif ("une petite maison"), mais c’est aussi parfois un nom (comme dans "les petits devant, les grands derrière", ou dans "fais un bisou à Mémé mon petit"). Mais petit a quantité d’autres sens… Si je parle des petites gens, par exemple, je ne parle pas de leur taille, évidemment… Ce sont les gens de condition modeste. Bref, ici petit évoque des moyens financiers (j’en profite pour rappeler que gens est l’un des noms les plus farfelus de notre langue, puisqu’il devient féminin quand il est, comme dans le cas des petites gens, précédé d’un adjectif épithète !). Quelle drôle de règle ! J’adore !

Et quand on se lève au petit jour, comme Stéphane Carpentier, le jour n’est pas moins grand qu’un autre, il s’agit juste de l’aube, ce qu’on appelle aussi "les petites heures" du jour. Petit a aussi parfois une valeur péjorative, "un homme petit", ce peut être un homme mesquin, même s’il mesure plus de 2 mètres. Et puis, on utilise petit pour exprimer des liens de parenté, petit-fils, petite-fille : là non plus, il ne s’agit pas de dimension, juste de dire que c’est le fils de votre fils ou de votre fille… un fils ou une fille "en petit", en quelque sorte.

Un (petit) peu de douceur dans un monde de brutes...

Mais je crois que l’usage de petit qui est à la fois le plus répandu et le plus méconnu, le plus inconscient surtout, est un emploi que les linguistes qualifient d’un mot savant, "hypocoristique". Un hypocoristique, du grec hupokoristikos, "caressant", "se dit d'une forme linguistique exprimant une intention affectueuse", explique Larousse.fr, précisant que "Les hypocoristiques sont souvent formés grâce à des suffixes diminutifs [frérot, sœurette] ou par redoublement [fifille, Mumu]"".

Petit fait aussi partie de ces mots dont nous saupoudrons nos phrases pour les rendre plus caressantes. On demande facilement "un petit renseignement", on se planifie "un petit gueuleton" (qui n’aura sans doute rien de petit), un petit apéro entre amis, et à l’heure du petit déjeuner, un petit café, un petit croissant dont la taille sera absolument classique.

Ici l’adjectif n’apporte aucune information, ni en matière de taille ni d’autre chose. Simplement, il met un peu de douceur dans un monde de brutes. Vous voyez qu’il en a sous le pied, ce petit. Ça vous en bouche un coin, n’est-ce pas, chers petits amis des mots ? Et vous, combien de fois par jour dites-vous le mot petit ?

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