Langue française : pourquoi doit-on écrire "tabagisme" et non "tabacisme" ?

Le Mois sans tabac m’inspire ce matin, amis des mots. La semaine dernière, on a parlé de l’origine de l’expression étrange "faire un tabac", qui, comme on l’a expliqué, n’a rien à voir avec le tabagisme et tout avec le tabassage – on peut réécouter cette chronique sur RTL.fr ou sur le podcast Un bonbon sur la langue.

Un certain Mathieu, de Villeneuve-lès-Maguelone, près de Montpellier, a "écouté cette chronique comme si c’était un clin d’œil" qui lui était adressé personnellement, me dit-il, parce qu’il a "l’intention d’arrêter de fumer". Il attire mon attention sur le fait que la 10e édition du Mois sans tabac commence ce samedi 1er novembre. 

"En m’inscrivant sur la plateforme Internet MoisSansTabac", écrit Mathieu, "je me suis posé une question : pourquoi écrit-on tabac avec un C final, qui donne tabaCologue avec un C, pourtant on dit tabaGisme, alors qu’on devrait dire tabaCisme avec un C. Et puis il y la chanson J’ai du bon tabac dans ma tabaTière. Pourquoi pas tabaquière ?"

Quelle est la logique de tout cela ? Déjà, il faut arrêter de croire que la langue française est basée sur la logique. Il y a des choses logiques, mais il y en a aussi plein de complètement illogiques. Le tabac, comme on le sait, a été découvert par les Européens à la Renaissance, en même temps que l’Amérique comme la pomme de terre, la dinde ou la tomate. Les Indiens d’Haïti l’appelaient tsibatl ; les conquistadors, allez savoir pourquoi, ont entendu tabaco. En français, on a d’abord dit tabaco, comme en espagnol, puis le mot s’est raccourci en tabac : voilà donc d’où vient le C de tabac, un souvenir de l’espagnol tabaco.

Pourquoi tabaGisme et tabaTière ?

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25/10/2025 à 02:00 - 01m43s

On a aussi un temps appelé le tabac "l’herbe à Nicot", Jean Nicot étant l’ambassadeur auprès du roi du Portugal qui mit à la mode à la Cour de France la consommation de tabac. C’est de son nom qu’a été tiré celui de la nicotine, la substance qui nous rend accros (sans C) au tabac (avec un C)…

Pourquoi tabaGisme et tabaTière et non tabacisme et tabaquière ? Tabagie est un emprunt à un mot algonquin, cette fois, tabaguia, qui désignait à l’origine un festin. Dès le XVIIe siècle, nous apprend le Dictionnaire historique d’Alain Rey, "sous l’influence de tabac (…), il a modifié son sens en lieu public où l’on va fumer". C’est par extension que la tabagie s’est ensuite mise à désigner "l’action de fumer continuellement". Pour l’anecdote, en français du Canada, une tabagie, c’est un bureau de tabac.

Quant à la tabaTière, nul ne sait expliquer comment elle est arrivée, car à l’origine, cette blague à tabac était bien plus logiquement appelée "tabaquière". Quoi qu’il en soit, merci à Mathieu d’avoir attiré notre attention sur ces abradacadabrantesqueries de la langue française et peut-être ainsi fourni l’occasion d’attirer plein d’amis des mots sur la plateforme Mois sans tabac.

La question du jour n’a rien à voir avec le tabac… quoique… C’est Marie-Agnès, de Mâcon, en Saône-et-Loire, qui m’écrit sur Instagram qu’en pleine lecture du roman Terra incognita, sur la vie de Jeanne Barret (éditions La Trace), elle lit page 43 : "Un souvenir qu’elle n’était pas prête d’oublier". Elle me demande si c’est bien fautif. Absolument, chère Marie-Agnès ! Une femme peut être "prête à arrêter de fumer", ou, si elle a l’intention d’arrêter bientôt, elle est "près de le faire". Il ne faut pas confondre les deux formules, et j’espère bien que l’éditeur va faire corriger cette horrible coquille grâce à vous.

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