Langue française : "Dans les bras de Morphée ?" Mais qui est Morphée ?

Je vous propose une plongée dans la mythologie grecque… et aussi dans ma propre légende familiale, vous allez voir. J’espère que tout le monde est bien sorti des bras de Morphée, et à l’écoute. Je vous avais promis qu’on y replongerait, dans ce super hors-série du magazine Lire baptisé 500 expressions françaises décortiquées. 

Je me suis arrêtée sur la 266e, "être dans les bras de Morphée", à cause d’un SMS que j’ai reçu de mon père dans lequel, figurez-vous, il me raconte une anecdote datant d’un temps que moi-même je n’ai pas connu – vous allez tout de suite comprendre pourquoi : la chose se passe dans les premiers temps de la rencontre entre mes parents, eh oui. En ce temps-là, la moitié de la France attendait une ligne de téléphone tandis que l’autre attendait la tonalité, disait-on. 

Bref, le téléphone était un luxe rare. Internet même pas un rêve de scientifique fou. Ce qui fait que les amoureux, en ce temps-là, s’écrivaient. Oui. Des lettres. Oui, en papier. Pas des SMS, quoi… Et mon père de me confier qu’en conclusion d’une lettre à ma mère, il avait écrit qu’il était tard, et qu’il allait se jeter dans les bras de Morphée. Ce que la jeune fille avait fort mal pris, pensant que cette saleté de Morphée était en train de lui piquer son amoureux tout neuf.

D'où vient l'expression ?

Bref, à l’évidence, elle ne connaissait pas l’expression. Pour éviter de nouveaux drames amoureux, rappelons donc qu’être dans les bras de Morphée, c’est simplement dormir. Mais d’où vient cette expression étrange ? Voilà l’histoire.

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Dans la mythologie grecque, Morphée est un dieu (donc pas une déesse, hein, malgré son "ée" final), fils de la déesse de la nuit et du dieu du sommeil, Hypnos (sommeil grec qui nous a donné l’hypnose, les hypnotiques, etc.). Morphée "a le pouvoir, explique le hors-série de Lire, de faire s’endormir les humains en les touchant avec une fleur de pavot. (…) Morphée peut [ensuite] susciter leurs rêves, et même s’y glisser en prenant l’aspect et la forme de divers personnages" – morphê, en grec, c’est "la forme", que l’on retrouve dans métamorphose ou morphologie, par exemple, tous ces mots qui nous parlent de la forme des choses ou des gens. C’est sa capacité de nous endormir, en revanche, qui est à l’origine du nom de la morphine, ainsi baptisée au début du XIXe siècle.

Et "dédale" alors ?

Autre expression du quotidien dont on n’imaginerait pas qu’elle remonte à l’Antiquité : si vous êtes perdu dans le dédale des démarches administratives pour obtenir un permis de construire ou une réponse des Allocations familiales… non, l’administration ne remonte pas à l’Antiquité. Le dédale, oui. Dédale est l’architecte qui conçut un palais pour y enfermer le Minotaure, monstre à corps d’homme et à tête de taureau. Mais le réseau de couloirs était si complexe que Dédale s’y retrouva lui-même piégé, avec son fils Icare – c’est en s’en échappant avec des ailes collées à la cire qu’Icare volera trop près du soleil et tombera.

Tiens, surprenant aussi : vous utilisez forcément des boîtes hermétiques, elles sont dans toutes nos cuisines, eh bien, figurez-vous qu’il y a de la mythologie grecque dans ces boîtes-là !

Hermès et hermétique

Si, si. Dans hermétique, on retrouve Hermès, le dieu à chapeau ailé, celui des messagers et des voyageurs, mais aussi de la science des nombres et des chiffres, et c’est ce qui fait qu’il a été associé à l’alchimie. L’adjectif hermétique a d’abord qualifié la façon dont les alchimistes fermaient certains récipients. Par extension, hermétique devient ainsi synonyme d’impénétrable, étanche.
Ah, passons aux mauvaises nouvelles : si votre voiture n’est plus cotée à l’Argus… c’est qu’elle ne vaut plus grand-chose, malheureusement. Mais d’où vient cet Argus ? Eh bien, rappelle le magazine, c’est L’Argus de l’automobile, “hebdomadaire qui, depuis 1927 [il fêtera bientôt son centenaire !], détermine la cote des véhicules d’occasion.” Mais à l’origine, Argus est le nom latin d’Argos, “un géant de la mythologie grecque”, “prince doté de cent yeux dont la vigilance ne pouvait être prise en défaut : pendant que cinquante de ses yeux se reposaient, les cinquante autres continuaient de veiller.” Pratique ! Après sa mort, dit la légende [oui, on lui a coupé la tête, c’était pénible d’être surveillé tout le temps comme ça], ses yeux ont été récupérés, et ce sont eux qui ornent aujourd’hui… la magnifique queue du paon.