Langue française : 2024 est une année "bissextile", mais d’où vient ce drôle de mot ?

Cela ne vous aura pas échappé, amis des mots, si vous êtes de ceux qui, dès qu’ils ont acheté le calendrier à chatons des éboueurs, l’épluchent pour prévoir les meilleurs ponts de l’année : ce mois de février durera 29 jours. 

Ce qui fait de 2024 une année à 366 jours, comme une année sur quatre, finalement. Quoi qu’il en soit, c’est ce qui a donné l’idée à Isabelle, fidèle du Bonbon sur la langue, de m’adresser sur Facebook la question suivante : "Pourquoi bissextile a-t-il été adopté pour désigner une année comptant un jour de plus ? D’où vient ce nom ?"

Voilà une bonne question, Isabelle ! Alors, en faisant un peu d’étymologie de comptoir, on pourrait penser que dans bissextile, il y a bi, comme dans bimensuel, dans binôme, dans bigame et dans bis, bref ce bi qui renvoie à ce qui est double.

"Bissextile" est un emprunt au bas latin "bisextilis"

Pourtant les années bissextiles ne reviennent pas tous les deux ans ! Mauvaise piste, donc. Après le bi, il y a aussi du sex dans bissextile. Ça pourrait être rigolo, mais là encore mauvaise piste : rien à voir avec la sexualité, ou la bisexualité. Alors quoi ? Tournons-nous vers le Dictionnaire historique de la langue française, ce sera beaucoup plus clair. Bissextile est un emprunt au bas latin bisextilis, signifiant "deux fois sixième".

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Donc le "bi", c’était bien pour "deux", mais le sex c’était pour six, comme dans sexagénaire, dans sextuple ou dans sextette. Mais pourquoi "deux fois six", qui au passage font douze, alors qu’il est question de 29e jour ? 

Eh bien, explique Alain Rey dans son dictionnaire, "le jour intercalé tous les quatre ans dans le calendrier julien, placé après le 24 février, était le sixième jour avant les calendes de mars et doublait ce jour". On l’appelait bissextus en latin et bissexte en ancien français.

Une invention des Romains

Ce sont les Romains qui les ont inventées, la première année bissextile ayant été instaurée en 47 avant J.-C., sous Jules César soi-même ! Il s’agissait de compenser la différence de temps entre l'année calendaire ordinaire (365 jours) et l’année solaire, soit le temps que met la Terre pour tourner autour du Soleil, soit 365,242 jours. On ajoute un jour de plus tous les quatre ans pour compenser, afin que les saisons ne se décalent pas.

À noter qu’au masculin, l’adjectif bissextil ne prend pas de E final. Mais comme en français actuel le mot n’existe quasi plus qu’associé avec année, on peut presque dire que bissextile prend toujours un E final (et, petite curiosité supplémentaire, deux S au milieu, alors qu’il n’y en a qu’un dans bisexuel ou bisexué). Bonne année bissextile, amis des mots !