"Faire" : boycottons ce verbe… à tout faire

Un appel au boycott rayon vocabulaire, amis des mots. Une envie de style pour habiller nos fêtes, peut-être, de mots un peu plus pimpants, plus brillants, plus chatoyants. J’ai lu un peu partout qu’on allait faire la fête, qu’on avait fait Noël, qu’on avait fait les magasins, et fait des frais, et qu’on s’était fait des cadeaux, et qu’on avait et fait des heureux, et fait bombance, et fait des photos, il n’y a rien qui vous frappe, vous ? Tous ces "fait" ?!

Le verbe faire est bien pratique, c’est un verbe à tout… faire, justement. On peut s’en servir pour tout. Pratique quand on ne trouve pas ses mots, je ne dis pas, mais on peut quand même parfois FAIRE un petit effort, quand le français offre un vocabulaire si riche ! Je suis tombée sur Instagram, sur un compte qui s’appelle "Parlons français", sur touuute une liste de synonymes plus intéressants que j’ai eu envie de partager avec les amis des mots. Bon, à la place de faire le plein d’essence, il nous propose "remplir d’essence le réservoir de sa voiture".

Peu de chances que cela détrône "faire le plein" tout court… c’est beaucoup trop. En revanche, au lieu de dire "mon frère fait 1,80 mètre", dire "mon frère mesure 1,80 mètre", c’est plus précis et pas sorcier, par exemple. Idem pour le poids : "la dinde fait 5 kilos", non : elle "pèse 5 kilos". Certes, ce que je vous dis là, c’est surtout à l’écrit que ça compte, qu’on essaie d’être précis, élégant, qu’on a le temps d’éviter les répétitions.

On peut faire un effort

On peut certes faire du sport, faire un film, faire une erreur, faire jeune, faire un jeûne, faire une cabane, faire le lit, faire l’andouille, faire à manger, faire un petit tarot, une partie de pétanque ou un roupillon, faire un plongeon, faire du rangement, faire du tricot, faire une crise, faire une jaunisse, faire la tronche… je pourrais continuer toute la matinée.

Alors que l’on peut pratiquer un sport, tourner un film et que je ne suis pas loin de trouver plus pardonnable de commettre une erreur que d’en faire une ! On peut paraître jeune, se lancer dans un jeûne, construire ou bâtir une cabane, retaper le lit, jouer les andouilles, préparer à manger, proposer un petit tarot, organiser une partie de pétanque, sans oublier de piquer un bon petit roupillon… et tenez, parfois c’est même plus simple : pourquoi faire un plongeon quand on peut tout simplement plonger ? faire du rangement quand on peut simplement ranger ? faire du tricot quand on peut juste tricoter ?

Au lieu de faire une crise, je vous propose de la piquer, c’est plus rigolo d’attraper une jaunisse que de la faire, et au lieu de faire la tête, on peut avantageusement tirer la tronche ! Promis, on va FAIRE un effort ?

Le seul mot qui se termine par un Q ?

La question du jour, pour finir, vient de Maélys, de Chambourcy. Maélys a 9 ans, et elle se demande pourquoi cinq est le seul mot du français qui se termine par un Q. Alors, ce n’est pas le seul, mais c’est vrai qu’ils sont rares, Maélys, les mots qui se terminent par un Q. Parmi les mots que tu connais, il y a surtout le coq.

D’ailleurs, c’est drôle, j’avais reçu il y a quelques années une question d’un autre enfant sur le Q du coq. Le chiffre cinq vient du latin cinque. Le mot est arrivé en français au XIe siècle avec un C final, figure-toi : CINC. Et c’est comme souvent l’intention de rendre au mot sa racine latine qui a sans doute conduit à remplacer ce C par un Q… Pourquoi n’est-on pas allé jusqu’au QUE romain ? parce que le q de cinq ne se prononce… pas toujours : dans 500 par exemple, ou dans 5 minutes, on ne l’entend pas. Si on l’écrivait QUE, il faudrait toujours prononcer le son "k". Voilà pourquoi on s’est arrêté à CINQ !