En ce "Blue Monday", jour le plus déprimant de l'année, Netflix nous offre le réconfort que nous attendions tous. Une série tellement merveilleuse que l'on militerait presque pour qu'elle soit remboursée par la Sécurité sociale. Une série qui nous a transporté comme rarement mais qui est passé sous de nombreux radars... De prime abord, Makanai dans la cuisine des maiko ressemble (ne serait-ce que par la faute de son nom à rallonge) à une émission culinaire japonaise proposée par la plateforme Netflix. Si vous n'êtes pas intéressés par la gastronomie ou le Japon, vous pourriez être tentés de ne pas cliquer sur le programme. Mais ce serait là une immense erreur... Makanai est une série en 9 épisodes, probablement l'une des plus belles et des plus charmantes fictions de l'histoire de Netflix.
Il s'agit de l'adaptation en "live-action" d'un manga confidentiel La maison des maiko d'Aiko Koyama (aux éditions Noeve Grafx), l'histoire de deux adolescentes qui quittent leurs terres natales et leurs familles pour tenter leurs chances à Kyoto. Objectif : devenir une maiko (l'apprentie des geiko que l'on connaît en Occident sous le terme de geisha). Les deux amies sont très proches et c'est la rencontre avec l'une des geiko star de la ville pendant un voyage qui a fait rêver les deux jeunes filles.
La première, Sumire (Natsuki Deguchi) est délicate, précise, talentueuse... Une maiko née. La seconde, Kiyo (Nana Mori) est pleine d'énergie mais ne dispose pas de l'élégance requise pour faire carrière. En revanche, elle dispose d'un talent incroyable en cuisine. C'est ce don qui va faire d'elle la figure centrale de la "yakata", la maison dans laquelle les deux amies ont été accueillies pour devenir des apprenties dès 16 ans. Un lieu dirigé par deux femmes mûres et où vivent des jeunes maiko plus ou moins expérimentées.
Voilà, en somme, le contexte de la série Makanai. Mais, si voir des femmes se maquiller et porter le kimono pour réaliser des danses traditionnelles ne vous fascine pas particulièrement vous pourriez, une fois de plus passer votre tour. C'est là qu'intervient l'homme-clé de cette série : Hirokazu Kore-eda. Le réalisateur japonais le plus influent de sa génération. Il a décroché la Palme d'or pour son film Une affaire de famille en 2018. Depuis les années 90, ce fan des oeuvres de Ken Loach ou Hou Hsiao-hsien, traite à travers des fictions et documentaires de la famille au Japon (Nobody Knows, Tel père, tel fils, Notre petite soeur, La Vérité avec Catherine Deneuve et Juliette Binoche ou dernièrement Les Bonnes Étoiles avec la star coréenne de Parasite : Song Kang-ho).
Derrière sa caméra, le réalisateur nous fait osciller entre rêve et documentaire. Les scènes de danse ou de préparation des repas sont d'une beauté à couper le souffle. Du "food porn" élevé au rang d'art et qui nous donne l'impression d'être dans une autre réalité. La lumière douce, diffuse mais omniprésente est maîtrisée à la perfection. Les échanges entre les personnages empruntent souvent au théâtre et nous offre un regard bienveillant et délicat sur la société japonaise (alors que Kore-eda est connu pour ne pas cacher les aspects sombres de la vie de ses contemporains). On rit (beaucoup), on est ému par ces personnages qui doutent, qui font le choix de la solitude, qui échouent avec le sourire...
Makanai est aussi un nouveau regard sur le monde fascinant mais méconnu des maiko et geiko. Le cinéma nous a souvent offert des visions séduisantes et dramatiques de la vie de ces femmes comme dans Mémoire d'une geisha de Rob Marshall (2005). Cette fois, et c'est en cela que Makanai réalise une prouesse, on ne retrouve aucune rivalité malsaine entre les personnages. Pas de jalousie mal placée, de luttes intestines, de marâtres perverses... Toutes ces femmes se soutiennent, se respectent, se tirent vers le haut... Une conception de la fiction (et de la vie) tellement rafraîchissante qu'elle en devient bouleversante. Ces bons sentiments ne sont pas synonymes pour autant de vide ou de niaiserie.
Kore-eda développe d'autres thèmes : les amours déçues, les incompréhensions familiales, le mal du pays, la solitude, la culpabilité, de délaissement, les codes sociaux... Ces zones d'ombre existent mais ne viennent jamais peser sur les personnages ou les spectateurs. L'optimisme sans faille de l'héroïne Kiyo, devenue la cuisinière (la makanai) de la petite troupe, suffit souvent à sauver toutes les situations.
Idem pour les personnages secondaires dont les petites scènes et les joutes verbales viennent assaisonner à la perfection cette série. Les connaisseurs retrouveront les codes du théâtre traditionnel japonais, particulièrement dans les intonations ou le sens du rythme de certains dialogues. On trouve des figures maternelles dans cette petite maison qui, chacune, expriment une vision de la femme : la sagesse (et les petits tacles) de la matriarche, le sens de la responsabilité et la culpabilité des mères d'Azusa, sa seconde, la liberté et l'immaturité de Yoshino, femme quasi-divorcée sur le retour. Chacune à son rôle bien défini (en apparence) et ses complexités.
Makanai nous transporte dans une bulle fascinante, secrète, hors du temps. L'intrigue se déroule en 2022-23 mais les téléphones portables, interdits, nous donnent l'impression d'avoir remonté le temps, de savourer un peu plus les relations en face de nous. Ai Hashimoto qui incarne la star de Kyoto (et fan de zombies) Momoko, fait toujours forte impression dès qu'elle apparaît à l'écran. Sa beauté et son charisme intiment le respect. La scène où elle danse sur un petit bateau à la nuit tombée, simplement éclairée de quelques lanternes, restera longtemps dans votre esprit. Idem pour le barman Ren, incarné par Lily Franky (star des films de Kore-eda) qui livre une prestation pleine de profondeur et de nostalgie, par petites touches savamment saupoudrées.
C'est une série d'abord légère et presque sans enjeu qui se développe de façon admirable au fur et à mesure des épisodes. Makanai est une oeuvre qui vient vous saisir, vous emporter par surprise. La mise en scène, la beauté de la photographie, la gourmandise des plats, la bonté des personnages, la délicatesse de la musique de Yoko Kanno... Cette série de Kore-eda dispose de tous les ingrédients pour conjurer la déprime hivernale et vous réconcilier avec la vie.
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