Amis des mots, ce doit être l’approche du printemps qui m’inspire : aujourd’hui nous allons parler d’oiseaux… ou plus précisément de "volatiles". Dès qu’il est question d’élections, je peux être certaine de tomber sur cette erreur, et je me demande si ce n’est pas ma faute préférée. Quand je la trouve, je ne peux pas m’empêcher de rigoler (ce n’est pas pour rien que j’ai écrit un livre qui s’appelle Au bonheur des fautes : contrairement à ce que croient la plupart des personnes que je rencontre, j’adore les fautes !). À l’occasion des municipales, ça n’a pas manqué, j’ai déjà corrigé deux ou trois fois des phrases où il était question "d’électorat volatile".
Une fois de plus, les gens de radio s’en tirent bien : à l’oral il n’y a pas de faute ! Mais à l’écrit, il ne faut pas confondre l’adjectif volatil sans E et le nom volatile (VOLATILE). Un "électorat volatile" avec un E final, c’est un électorat qui est un volatile. Il est possible que certains candidats prennent leurs électeurs pour des dindons, remarquez, et dans ce cas, la formule est assez bien trouvée. Mais a priori, quand on parle d’électorat volatil, on veut dire qu’il est mobile, que ses opinions sont fluctuantes.
Jamais de E final à l’adjectif volatil, donc, sauf au féminin, bien entendu : "l’essence est volatile" avec un E. Ces deux mots sont d’autant plus troublants que le nom volatile, qui est masculin (UN volatile), prend un E, lui. Evidemment, les deux termes ont la même racine, le latin volatilis, "qui vole". Mais en français moderne, l’un est un synonyme d’oiseau, l’autre de fluctuant.
Et puisque nous en sommes à ces mots qui se ressemblent pour nous piéger, il y a un autre couple d’homophones (des mots qui se prononcent de la même façon) qui cause bien des désagréments : c’est censé… et sensé ! "Stéphane n’est pas venu alors qu’il était censé venir" ; mais "Stéphane, qui est pourtant un homme sensé, a totalement zappé son rendez-vous". L’Académie française l’explique dans sa rubrique "Dire, ne pas dire" : Censé nous vient du latin censere, "évaluer la fortune et le rang", puis "recenser, juger". Il appartient à la même famille que cens, l’impôt qu’il fallait payer pour être éligible ou électeur, et il signifie "qui est supposé, réputé tel". Sensé est dérivé de sens et signifie "qui a sa raison". Donc quand sensé/censé évoque le bon sens : "SENS"… et quand on est supposé faire quelque chose : "CENS".
Et tenez, en parlant de "sans C"… allez, un dernier couple d’homophones piégeux : cessez donc de confondre accro avec ou sans C final. "J’ai fait un accroc à mon pull" : ACCROC. En revanche, "Je suis accro à la matinale de Stéphane Carpentier", là accro est un mot familier, ce qu’on appelle une "troncation" de l’adjectif accroché, tronqué après le O, donc rappelez-vous : si vous êtes "accro à Carpentier, le C est à Carpentier, pas à accro" !