Un live continu d'une IA du Président répondant aux questions des internautes à la volée : tel est l'objet de l'expérience insolite mise au point sur Twitch par l'ingénieur français spécialisé dans l'intelligence artificielle Anis Ayari, qui publie régulièrement des vidéos de vulgarisation sur ses réseaux sociaux. Sur sa chaîne DefendIntelligence hébergée sur la plateforme de streaming américaine, les spectateurs peuvent interroger depuis vendredi une intelligence artificielle qui reprend la voix et les traits d'Emmanuel Macron avec un certain réalisme. Les internautes posent leurs questions dans le chat de la plateforme et l'avatar IA de Macron leur répond avec les intonations et les mimiques caractéristiques du chef de l'Etat et souvent une pointe d'humour. Lorsqu'un internaute lui demande par exemple "Qui est la plus belle Miss France ?", le faux président lui répond : "La plus belle Miss France, c'est moi, bien sûr. Qui d'autre pourrait rivaliser avec mon charme présidentiel".
L'expérience est un succès pour l'ingénieur français qui a comptabilisé plus de 100.000 personnes sur le live ce week-end et près de 2 millions de messages échangés dans le chat. L'initiative s'inspire de la chaîne Twitch TrumpOrBiden2024 qui a déjà exploité ce concept en faisant débattre à l'infini deux IA représentant les deux derniers présidents américains sur la plateforme. "Ça fait longtemps que je m'intéresse aux IA génératives. J'ai commencé par faire chanter du Aznavour à Macron. J'ai vu qu'il y avait eu des expériences similaires aux États-Unis avec des IA de Trump, Biden et même Jésus. J'ai voulu faire quelque chose de francophone. L'idée est venue jeudi soir pendant un live sur Twitch. On l'a développée et c'était prêt vendredi", résume Anis Ayari, joint par RTL.
Une trentaine d'heures de travail a été nécessaire pour mettre au point cette intelligence artificielle, à l'aide de la plateforme de génération de voix Eleven Labs et de ChatGPT, notamment. L'expérience n'est pas gratuite. "Je suis déficitaire sur le projet", explique l'ingénieur, fondateur de l'agence DeepLayer AI, spécialisée dans la conception d'agents IA personnalisés. Entre les licences des différents programmes, la consommation électrique de l'ordinateur sur lequel est exécutée l'IA et les heures de codage non facturées, il faut compter environ 150 euros par jour pour faire tourner le live. Pour rentrer dans ses frais, Anis Ayari a mis en place un système de dons. "La chaîne peut encore tourner jusqu'à mardi ou mercredi. On verra ensuite si les gens continuent à donner".
Pour échanger avec ce faux Emmanuel Macron, il faut s'inscrire sur Twitch, puis taper la commande "! yo manu" suivie de la question de son choix dans le chat de la plateforme. Les messages sont ensuite sélectionnés de façon aléatoire par le système. Les premières heures de diffusion ont été le théâtre de certains débordements. "Des internautes ont essayé de faire dire des choses racistes, antisémites ou homophobes à l'IA. Les modérateurs de Twitch ont dû bannir entre 300 et 400 personnes sur la chaîne. Et on a reprogrammé le système pour cadrer un peu plus son propos", explique Anis Ayari.
L'initiative a soulevé aussi un certain nombre de questions éthiques et juridiques. "J'ai travaillé avec plusieurs avocats sur les aspects légaux. Le choix du président de la République a été assez facile car le droit de faire la satire et la parodie des dirigeants existe depuis longtemps en France. Mais il faut veiller à ne pas lui faire dire n'importe quoi pour ne pas le diffamer. En parallèle, il faut aussi tenir compte des conditions d'utilisation de Twitch pour ne pas faire bannir la chaîne pour des propos problématiques. C'est un vrai défi comme elle tourne en continu", souligne l'ingénieur. Afin de ne pas induire le public en erreur, Anis Ayara a également pris soin d'afficher un bandeau permanent sur lequel il est clairement indiqué qu'il s'agit d'une fausse vidéo parodique générée par IA.
Outre Emmanuel Macron, les spectateurs de la chaîne Twitch de l'ingénieur ont pu échanger avec un avatar du général de Gaulle durant le week-end. Une IA représentant Jacques Chirac dans ses jeunes années est aussi dans les tuyaux. "Le but ultime serait de faire débattre les IA de Macron, Chirac et de Gaulle dans un même live en continu, le tout alimenté par les questions des internautes, puis d'observer vers quel consensus politique ils pourraient converger", s'enthousiasme l'ingénieur, ravi de l'accueil réservé à son projet. "Des gens m'ont dit que ce serait incroyable d'avoir ça dans un musée. Des profs voudraient aussi utiliser des extraits avec leurs élèves pour rendre plus interactive leurs cours sur le général de Gaulle", explique l'ingénieur.
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