C'est l'ascension fulgurante d'une licorne tricolore...qui finit par tomber sous la coupe d'un géant américain. Mistral AI, startup française spécialisée dans l'intelligence artificielle, a frappé un grand coup cette semaine en dévoilant le 26 février, moins d'un an après sa création, un modèle de langage aux performances comparables à celles de ChatGPT et des meilleures IA.
L'annonce s'est doublée d'un important virage stratégique qui a surpris les observateurs. La jeune pousse a en effet révélé un partenariat exclusif avec Microsoft afin de distribuer son système auprès des entreprises, rompant ainsi avec son modèle open source initial et son image de garante de la souveraineté européenne en matière d'IA. Une collaboration qui interroge sur ses prises de position récentes au niveau européen et sur son indépendance future.
Fondé en avril dernier, Mistral AI est le fruit de 3 enfants prodiges de la tech française, Arthur Mensch, Guillaume Lample et Thimothé Lacroix, qui ont été formés dans les meilleures écoles d'ingénieurs du pays, embauchés par les GAFA, puis sont revenus dans l'Hexagone dans l'espoir de devenir les meilleurs concurrents européens de Google, Amazon, Facebook ou Apple.
Comme Open AI, l'entreprise derrière ChatGPT, Mistral est spécialisé dans la conception de modèles d'intelligence artificielle. Sauf qu'elle ne propose pas ses systèmes au grand public mais aux entreprises. La startup s'est faite connaître avec un système de conversation aux performances quasi équivalentes à la version gratuite de ChatGPT avec une machine entraînée sur "seulement" 7 milliards de paramètres contre 175 milliards de variables pour son concurrent américain.
Outre l'efficience de ses modèles, Mistral a séduit les experts du secteur par son approche "open source". Contrairement à OpenAI, qui n'a jamais révélé la recette de ChatGPT, la société alimente ses modèles avec des données publiques et les met à dispositions des développeurs et des entreprises en vue de les améliorer.
La volonté d'indépendance de Mistral a été saluée par la sphère politique. La startup, qui compte l'ancien secrétaire d'Etat au Numérique Cédric O parmi ses conseillers, a été encouragée jusqu'au sommet de l'Etat. Le Président Macron a plusieurs fois répété son souhait de voir la France devenir championne de l'IA, voyant dans la startup la meilleure alternative à la domination américaine en la matière.
Après avoir démontré sa capacité à faire aussi bien que ses rivaux avec des équipes et des financements moindres, Mistral a signé cette semaine son entrée dans le grand monde avec son dernier système multilingue, Mistral Large, annoncé comme meilleur que les IA de Google et Facebook et taillé pour s'attaquer à la domination de GPT-4 d'OpenAI.
Pour ce faire, Mistral mise sur une nouvelle stratégie commerciale censée dopée son modèle économique. Exit, l'open source et le partage de modèles avec la communauté scientifique. la startup poursuit désormais une approche mixte consistant à faire payer l'accès à ses meilleurs modèles de langage. Ces derniers, dont Mistral Large, seront fermés et distribués via un abonnement payant sur la plateforme Azure de Microsoft, qui investit 15 millions d'euros dans la startup française valorisée à 2 milliards.
En plus d'optimiser la monétisation de ses modèles et de s'ouvrir à un large portefeuille de clients, Mistral s'offre également l'opportunité d'accéder aux infrastructures du géant américain, notamment ses supercalculateurs, pour poursuivre son développement et rivaliser techniquement avec OpenAI, Google ou Facebook.
L'alliance de Mistral AI et Microsoft n'a pas manqué de faire grincer des dents. Cet automne, la startup avait fait un important lobbying pour tenter d'affaiblir la portée de l'IA Act, la régulation européenne de l'IA. Le gouvernement avait soutenu Mistral AI dans son action pour ne pas risquer d'entraver le développement des leaders européens de l'IA face aux géants américains.
L'annonce de l'accord avec Microsoft, quelques jours après la signature du texte européen, a donc fait l'effet d'une bombe. Mistral a-t-il joué un double jeu en plaidant contre une régulation trop stricte à Bruxelles, sous peine de remettre en cause ses chances de concurrencer les Gafam, tout en négociant avec Microsoft en parallèle ? La Commission européenne est déterminée à faire toute la lumière sur ce dossier qui pourrait aboutir à l'ouverture d'une enquête antitrust contre Microsoft, désormais au capital de deux des entreprises les plus en pointe dans le développement de l'IA générative.
L'un des cofondateurs de Mistral, Arthur Mensch, a défendu sur X un accord scellé "pour accélérer la croissance" de l'entreprise qui ne change pas sa stratégie. "Nous sommes toujours déterminés à proposer des modèles open source (...) Nous sommes une entreprise européenne indépendante avec des ambitions mondiales", a-t-il assuré.
Côté français, la nouvelle secrétaire d'Etat au Numérique, Marina Ferrari, a assuré dans La Tribune que le gouvernement n'était pas au courant des tractations entre Mistral et Microsoft. "Il faut plutôt se réjouir qu’un français comme Mistral réussisse à casser le duopole Microsoft-OpenAI dans l’intelligence artificielle générative, a-t-elle estimé. Grâce à la puissance de distribution de Microsoft (…), Mistral AI devient une vraie alternative à OpenAI (…) au niveau mondial, ce qui est exactement ce dont la tech européenne a besoin".
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