Derrière les mauvaises blagues ou les réflexions misogynes du type "Oh, elle doit avoir ses règles" se cache pour beaucoup de femmes un réel malaise, quelques jours avant leurs règles. Ce malaise a son nom scientifique : le syndrome prémenstruel (SPM, ou PMS en anglais, pour Premenstrual Syndrom). D'une femme à l'autre, ce terme englobe des réalités très différentes. Pour certaines, ce sont des migraines, des troubles digestifs, une intense fatigue ou une prise de poids. Pour d'autres, c'est une tristesse soudaine, une sensibilité à fleur de peau ou une extrême irritabilité.
"On ne sait pas bien à quoi est dû le SPM mais il ressemble terriblement à un syndrome de sevrage, de 'manque', lié à la baisse brutale des hormones sexuelles dans le sang si la femme n'est pas enceinte", explique Martin Winckler, interrogé par RTL.fr. Ce médecin et romancier français installé au Canada est l'auteur de plusieurs livres, dont La Maladie de Sachs, Le Chœur des femmes, et Tout ce que vous vouliez savoir sur les règles... sans jamais avoir osé le demander. Il est spécialisé en particulier sur la contraception et la gynécologie. Son site internet est une véritable mine d'or sur ces questions.
D'après lui, on ignore combien de femmes sont touchées par le SPM car il n'existe pas d'enquête sur le sujet. "Ce type de phénomène n'intéresse pas les médecins français car il est très fréquent et en France, ce qui est fréquent est considéré comme banal", avance le praticien, ajoutant qu'il concernerait au moins une femme sur deux, sous une forme ou une autre. Il poursuit : "Ce n'est pas une maladie à proprement parler : ça ne menace pas la vie de la femme qui en souffre, ça la lui pourrit ! Et beaucoup de médecins n'ont pas le goût de s'intéresser à ça".
Martin Winckler explique que, le plus souvent, ce syndrome apparaît dans les premiers mois ou les premières années qui suivent la puberté. Ensuite, il survient tous les mois, pendant toute la durée de la vie fertile. "Un syndrome prémenstruel qui apparaîtrait plus tard, alors qu'une femme n'a pas souffert de ça pendant plusieurs années, est dû à autre chose, précise le médecin. Il arrive que des femmes qui se mettent à utiliser la pilule après leur(s) première(s) grossesse aient un 'mini SPM' entre deux plaquettes. C'est un phénomène induit par la pilule. Si elles passaient au stérilet, elles n'auraient plus de SPM."
Ce n'est pas une maladie à proprement parler : ça ne menace pas la vie de la femme qui en souffre, ça lui pourrit la vie !
Martin Winckler
Le syndrome prémenstruel, une fois qu'il est ressenti, a donc peu de chances de disparaître sans traitement. "Il n'y a que deux manières 'naturelles' d'atténuer ou de faire disparaître un SPM : la grossesse et l'allaitement, qui le suspendent puisqu'une femme n'a pas de cycle quand elle est enceinte et allaite, et la ménopause, puisqu'il n'y a plus de cycles, explique Martin Winckler. La méthode la plus simple, c'est de prendre la pilule en continu ou d'utiliser une méthode contraceptive hormonale au long cours, comme un implant".
En dehors de ces traitements hormonaux, il n'existe pas de "méthode idéale" pour lutter contre ce syndrome. "Les antidépresseurs ou les tranquillisants ont beaucoup d'effets secondaires problématiques et ils me semblent moins pratiques, et plus dangereux, à long terme, qu'une contraception hormonale permanente, poursuit le médecin. Beaucoup d'autres traitements alternatifs - du calcium à l'acupuncture - ont été proposés mais ils ne sont pas efficaces de manière constante et sur toutes les femmes".
Beaucoup d'autres traitements alternatifs - du calcium à l'acupuncture - ont été proposés, mais ils ne sont pas efficaces de manière constante et sur toutes les femmes.
Martin Winckler
On remarque que le SPM peut toucher davantage certaines femmes de la même famille. Pour Martin Winckler, cette dimension "familiale" s'explique par le phénomène de sevrage auquel serait lié le syndrome. En effet, c'est la baisse des hormones (œstrogènes et progestérones) dans le sang qui provoque les règles en l'absence de fécondation. Cette baisse peut être plus ou moins brutale. Elle est d'abord perçue par le cerveau, c'est ce qui provoque le SPM. Mais à ce moment précis, la perception peut varier d'une personne à l'autre : elle est liée à une sensibilité du système nerveux qui, elle, peut être familiale.
Pour une minorité de femmes, les moins épargnées, les jours d'avant règles s'apparentent à un enfer : impulsivité maximale, déprime voire désespoir, le syndrome prémenstruel est parfois extrême. Cela concernerait 3 à 8% des femmes en âge d'avoir un enfant et pousserait certaines à avoir recours à une hystérectomie, une ablation de l'utérus, et une oophorectomie, ablation des ovaires. Comme l'explique un article en anglais publié sur Broadly, le site féminin de Vice, 15% des femmes souffrant de cette forme extrême auraient un jour essayé de se suicider.
Depuis quelques temps, on donne à cette forme de SPM le nom de trouble dysphorique prémenstruel (TDP, ou PMDD en anglais). D'après un article sur le sujet paru sur le site regroupant les publications scientifiques de l'université de Harvard, le trouble dysphorique prémenstruel est défini comme interférant avec le travail ou l'école et avec les relations inter-personnelles. Pour le diagnostiquer, on se référerait à plusieurs symptômes possibles : dépression, anxiété ou tension, changements d'humeur soudains, irritabilité, perte d'intérêt pour les activités quotidiennes, difficulté à se concentrer, changement d'appétit ou faims démesurées, insomnies...
Ce terme est destiné à psychiatriser ces symptômes, et à mettre une prescription sur un diagnostic.
Martin Winckler
Mais pour Martin Winckler, qui a aussi été rédacteur en chef adjoint de la revue Prescrire, derrière ce nouveau nom, se cache "une maladie inventée pour vendre de nouveaux produits." Le médecin s'explique : "Ce n'est nullement une entité particulière. C'est l'ensemble des symptômes psycho-affectifs qui accompagnent le SPM chez certaines femmes. C'est un SPM avec des sautes d'humeur marquées." Citant plusieurs articles, un de 2006 paru dans la revue Plos et un de 2012, le médecin s'insurge contre ce nouveau terme, "destiné à psychiatriser ces symptômes et à mettre une prescription sur un diagnostic".
Le terme serait apparu avec la volonté d'un laboratoire de trouver une nouvelle indication pour le Prozac mais sous un autre nom, donnant naissance au Sarafem, un "antidépresseur féminin". Une "dérive" pointée en France par la revue Prescrire, dans un article du 15 janvier 2007.