Pour la première fois en France, une patiente recouvre la parole après une greffe du larynx

Lundi 20 novembre, une équipe médicale lyonnaise a présenté une greffe de larynx, une intervention réalisée pour la première fois en France qui a permis à une femme de recouvrer l'usage de la parole. "Cela me fait bizarre de parler à nouveau", a-t-elle confié.

La patiente, âgée de 49 ans, est identifiée sous son prénom, Karine. Elle respirait par trachéotomie, grâce à une ouverture dans la trachée, sans pouvoir parler, depuis une vingtaine d'années. Elle avait perdu la voix à la suite de complications liées à une intubation après un arrêt cardiaque en 1996.

La greffe a été réalisée à Lyon les 2 et 3 septembre et la patiente a pu prononcer quelques mots d'une voix très faible dans les jours qui ont suivi. Elle suit des séances de rééducation des cordes vocales, de la déglutition et de la respiration avec une orthophoniste afin de recouvrer toutes ses capacités.

Après un début de rejet, son traitement immunosuppresseur a été renforcé, mais la patiente a pu rentrer chez elle, dans le sud de la France, le 26 octobre. Si elle n'a pas participé à la présentation de l'intervention lundi 20 novembre, elle a expliqué par écrit s'être portée volontaire il y a dix ans "pour retrouver une vie normale". 

Un organe constitué de petits nerfs et de petites artères

"Mes filles ne m'avaient jamais entendue parler", a-t-elle confié en assurant être armée de "courage" et de "patience" pour faire face aux douleurs et au travail de réapprentissage. Le professeur Philippe Céruse, chef du service ORL et chirurgie cervico-faciale de l'hôpital de la Croix-Rousse, a fait preuve de détermination avant de coordonner cette greffe inédite en France.

L'idée de cette intervention a germé lors de la première greffe mondiale de larynx, réalisée en 1998 à Cleveland, aux États-Unis, sur un homme qui avait perdu ses cordes vocales dans un accident de moto.

Le chirurgien se renseigne, mais en reste là, jusqu'en 2010 quand il rencontre un confrère colombien qui a reproduit cette intervention très délicate sans jamais rien publier. Le Dr Luis Fernando Tintinago Londono l'invite une semaine à Cali pour lui montrer comment prélever un larynx.

C'est "l'un des aspects les plus complexes" car cet organe "est innervé par de tout petits nerfs et vascularisé par de toutes petites artères et veines qui s'entrecroisent", a expliqué le professeur Céruse. Pendant la décennie suivante, il s'entraîne avec une équipe d'experts sur des cochons ou des cadavres, obtient les autorisations, commence à chercher des patients éligibles.

Les opérations du larynx non considérées comme prioritaires

En 2019, "Karine" est identifiée, mais le Covid interrompt le processus. Deux autres greffes du larynx ont été recensées par la littérature médicale : une en Californie en 2010 et l'autre en Pologne en 2015. Ces opérations ne sont pas nombreuses, car non considérées comme prioritaires. En effet, un larynx dysfonctionnel est très handicapant, mais ne met pas en danger la vie des patients.

En 2022, l'équipe française se remet au travail et doit trouver une donneuse compatible, présentant "des caractéristiques anatomiques parfaitement compatibles avec la receveuse, en termes de sexe, poids, taille, groupe sanguin…". Elle a été trouvée le 1ᵉʳ septembre et l'intervention a commencé après l'accord de la famille. Elle a duré 27 heures en cumulé.

Douze chirurgiens et une cinquantaine de personnels du CHU de Lyon ont participé à cette première sous la coordination du Pr Céruse et de Lionel Badet, chef du service d'urologie et de chirurgie de la transplantation de l'hôpital Edouard Herriot.

L'équipe, "fière" de cette "prouesse", reste prudente. "C'est la patiente qui dira si c'est un succès", relève le Pr Céruse, en notant qu'il faudra 12 à 18 mois pour qu'elle retrouve la motricité de son larynx "le temps de la repousse nerveuse".

Il attendra qu'elle "se porte parfaitement bien" avant de se lancer dans les deux autres greffes du larynx, pour lesquelles il dispose d'un budget.

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