Vous faites sans doute partie des millions de personnes qui applaudissent tous les soirs les médecins, infirmiers, aide-soignants, réanimateurs... Et vous le faites à bon escient. Après que le Président de la République a affirmé que nous étions "en guerre", on a pris l'habitude de dire que le personnel soignant était "au front". Le fait est que ces professionnels de santé vivent des moments difficiles dont on sait d'ores et déjà, qui les marqueront à jamais.
Cela n'a pas échappé à certains psychiatres, qui pensent à l'après-confinement et prévoient qu'il y aura du boulot. Si l'on veut bien faire l'effort de se projeter dans l'après-confinement, donc l'après 11 mai, et encore pas pour tout le monde, on imagine peut être qu'il y aura pour ces personnels soignants un effet de relâchement. En fait rien n'est moins sur.
La situation en réanimation notamment, sera encore tendue, mais un jour ou l'autre, le stress post-traumatique risque de faire des dégâts au sein du personnel soignant. Un stress lié à ce qu'ils auront vécu, mais un stress en l'espèce, un peu particulier.
Dans un service de réanimation, en moyenne en temps normal, hors épidémie, un peu moins d'un malade sur cinq ne pourra être sauvé. J'en parlais hier avec un réanimateur dans le cadre du Covid, c'est parfois plus d'un malade en réanimation sur deux qui va mourir. Alors ça, c'est déjà un traumatisme pour les équipes. Vous ajoutez à cela, les coups de téléphone qu'il faut passer tous les jours aux familles, et pas souvent pour leur donner de bonnes nouvelles. Les malades en fin de vie, que la famille ne peut pas toujours venir voir, pour des raisons de sécurité. Faire entrer la femme d'un homme âgé en réanimation, c'est lui faire prendre un risque avec le virus, mais parfois aussi les familles sont trop loin.
C'est donc le personnel soignant, le même qui a essayé de sauver le malade qui va l'accompagner dans ses derniers instants. Et puis, pardon pour les détails sordides mais avec le Covid-19, le défunt est mis dans une housse, il ne part pas sur un brancard recouvert d'un draps.
Plus ça dure pendant, plus c'est délicat après
Michel Cymes
Par ailleurs, le stress post-traumatique est un stress qui s'inscrit dans la durée. Hors, ce que vit le personnel soignant dure maintenant depuis des semaines, et plus ça dure pendant, plus c'est délicat après. Il conviendra donc de s'occuper avec soin de ces professionnels de santé selon un modèle, dont certains psy estiment, qu'il reste à inventer.
Après de telles journées, et même si c'est leur métier, retrouver sa famille, ses amis, aller boire un verre, ça fait partie de l'équilibre indispensable quand on est soignant dans des services aussi difficiles. Pour certains qui ont choisi de ne pas faire prendre de risque à leur famille en rapportant le virus à la maison, c'est l'isolement. Un isolement physique pour ceux qui ont choisi de vivre ailleurs, ou un isolement affectif quand il faut rester loin de ses proches, même chez soi.
Pour les personnels soignants, j’ai une piste. Elle repose sur le formidable élan de solidarité auquel il nous est donné d’assister en ce moment. En l’occurrence, il s’agit d’une association baptisée "Les Sophrologues du cœur". Elle met gratuitement son réseau de professionnels à la disposition des personnels soignants. Elle propose des séances d’environ trois quarts d’heure pendant lesquelles on travaille sa respiration et on exprime verbalement son ressenti. C’est une manière efficace de se libérer de son angoisse et de son stress, en préambule, peut-être à une thérapie plus complète une fois la crise passée.
Les personnels soignants qui souhaitent essayer, doivent se rendre sur la page Facebook des "Sophrologues du cœur". On y trouve la liste des sophrologues bénévoles ainsi que leurs coordonnées. Il suffit de s’inscrire. Il faut être convaincu qu’en se libérant d’un peu de souffrance aujourd’hui, on se met dans de meilleures conditions pour aborder demain.