Le mouvement est rarissime. Traditionnellement discrets et peu portés sur la contestation, de nombreux diplomates français ont répondu à l'appel inédit à la grève ce jeudi 2 juin pour protester contre la réforme de l'Ena qui passe mal. Selon eux, celle-ci met en danger l'efficacité et le prestige de la diplomatie française. La grève a été lancée par six syndicats et un collectif de 500 jeunes diplomates "fatigués", "en manque de considération", voire "en colère".
Plusieurs dizaines de diplomates se sont même réunis devant leur prestigieux ministère, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "diplo en extinction", "service public en danger", "diplomates en grève".
"Nous ne sommes pas interchangeables !", répétaient les grévistes, qui craignent la fin de la professionnalisation de la diplomatie française, troisième réseau mondial derrière les États-Unis et la Chine. "On ne devient pas diplomate du jour au lendemain", a insisté l'ambassadeur Marcel Escure, 35 ans de maison, l'un des rares à donner son nom lors du rassemblement devant le Quai d'Orsay.
La suppression du corps diplomatique a été actée par un décret publié au Journal officiel lundi 18 avril dernier et entrera en vigueur dès janvier prochain. Voulue par Emmanuel Macron, notamment pour mettre fin aux "castes administratives", elle crée un nouveau corps de l'État, prévoyant que les hauts fonctionnaires ne seront plus rattachés à une administration spécifique et pourront en changer en cours de carrière. Entre autre, les hauts-fonctionnaires qui travaillent dans les ambassades ne viendront plus forcément du Quai d'Orsay.
Désormais, les diplomates seront donc dans le même corps de métier que les préfets, les sous-préfets ou les inspecteurs généraux des finances. Or, le métier de diplomates s'avère particulièrement technique et compliqué quand il faut négocier pour évacuer les Français de Chine en pleine épidémie de Covid-19 ou encore évacuer les Français d'Afghanistan à l'arrivée des talibans. C'est un métier à part entière. Ce sont à présent près de 800 hauts-fonctionnaires qui craignent pour leur poste et d'être remplacés par une personne pistonnée et qui, n'ayant pas les compétences pour travailler au Quai d'Orsay, serait envoyée à l'autre bout du monde.
C'est par ailleurs ce qu'il se passe aux États-Unis, où un soutien financier du président fraîchement élu peut obtenir un poste dans une belle ambassade. Pour le gouvernement français, cette réforme devrait répondre au besoin de souplesse et permettre de fluidifier les carrières. Aujourd'hui, près de 20% de l'encadrement du ministère des Affaires Étrangères n'est pas issu du corps diplomatique.
La réforme de la haute fonction publique, qui aura des conséquences sur les carrières diplomatiques avec la "mise en extinction" d'ici à 2023 des deux corps historiques de la diplomatie, a été la goutte d'eau faisant déborder le vase. En effet, la grogne monte depuis plusieurs années déjà. "L'empilement des réformes, la baisse continue des moyens, aboutit à une fatigue et un désarroi des personnels", explique le diplomate et syndicaliste de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), Olivier Da Silva.
"On a une charge de travail extrêmement importante, on ne compte pas nos heures, car on est très, très fier de faire ce métier. Mais il y a un sentiment de malaise, on a l'impression de ne pas être suffisamment écouté", a résumé Jean-Baptiste, rédacteur de 28 ans à la direction ONU.
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