C'est par un message publié le 1er avril dans la matinée sur Facebook, réitéré le lendemain dans les colonnes de Paris Match, que l'ancien président Nicolas Sarkozy a apporté son soutien à Emmanuel Macron pour le second tour de la présidentielle. Ce soutien est-il un véritable atout ou un repoussoir pour Emmanuel Macron ?
"Tout de suite maintenant, c'est un peu compliqué quand même pour Emmanuel Macron d'avoir le soutien de Nicolas Sarkozy, reconnaît Nathalie Schuck, grand reporter politique au journal Le Point. Au départ, Nicolas Sarkozy voulait faire un 20 heures sur TF1 pour annoncer son soutien à Emmanuel Macron et plaider pour une coalition à l'allemande entre LR et LREM. Sauf que l'Elysée, voyant les résultats dimanche soir, lui a demandé gentiment de se faire un peu plus discret. Et c'est pour ça que ça a atterri sur un message Facebook de Nicolas Sarkozy, hier. Parce qu'en interne, dans l'aile gauche de la macronie, on considère que ce soutien est un peu embarrassant au moment où Emmanuel Macron doit s'adresser aux électeurs de gauche. Nicolas Sarkozy, pour l'électorat de gauche, c'est un peu un repoussoir."
"Je pense qu'il n'a pas énormément apprécié, continue-t-elle. Mais après tout, a-t-il le choix ? Parce que ça fait des mois et des mois qu'il envisage un soutien à Emmanuel Macron. Au point que les proches de Valérie Pécresse, très tôt, l'ont accusé d'un travail de sabotage de la campagne de la candidate LR. (...) Il y a une dimension psychologique. Est-ce que Nicolas Sarkozy a envie qu'un nouveau président de droite lui succède ? Un de ses proches me disait : 'Si un président de droite lui succède, il ne sera plus le patron de la droite'. Il n'aura plus qu'un petit quota de légions d'honneur à distribuer. Puis derrière, c'est terminé. Si c'est Emmanuel Macron, son grand dessein, c'est d'être celui qui va constituer la future majorité présidentielle. (...) Ça fait des mois et des mois qu'il est sur ce scénario-là. Dès le mois de décembre janvier, il est déjà sur cette hypothèse-là. Dès que Valérie Pécresse est investie, on sait déjà qu'il ne va pas la soutenir".
Même analyse pour Jean Garrigues, historien politique et auteur de La république des traîtres : "C'est vrai que les effets du ralliement de Nicolas Sarkozy est plutôt répulsif [pour l'électorat de Jean-Luc Mélenchon]. C'est un peu contreproductif par rapport à ce qui est ce que voudrait faire Macron. C'est très net. Il a montré sa volonté de concessions dans le domaine social : revenir un peu sur les retraites, sur la retraite à 65 ans, etc. Même sur l'écologie, d'ailleurs. Donc, là, il y a quelque chose effectivement, qui pourrait être une entrave."
"Il y a un effet générationnel, reprend Nathalie Schuck. C'était le pater familias. On l'appelle toujours le boss au sein de LR, Nicolas Sarkozy. On peut se demander d'ailleurs dans quelle mesure ce soutien est efficace quand on n'a pas soutenu son camp au premier tour de la présidentielle. Comment on fait pour la porter ensuite dans la corbeille de la mariée ? Aujourd'hui, les militants LR sont furieux. Je vous raconte une scène. Il y a quelques jours, un ancien conseiller de l'Elysée va voir Nicolas Sarkozy, rue de Miromesnil. Il lui dit : 'Président - ils l'appellent tous président - les militants sont fous furieux'. Nicolas Sarkozy, énervé, lui tape la clavicule fortement. Il lui répond : 'Toi, tu te mêles de tes affaires'."
"On a vu des meetings où des militants LR sont arrivés avec des piles de bouquins de Nicolas Sarkozy en disant 'Remboursez !' D'autres meetings où certains militants criaient 'Rends l'argent du Sarkothon !'. Ce qui risque d'ailleurs de poser quelques difficultés à Valérie Pécresse, sa propre récolte de dons. Les militants sont encore échaudés par l'affaire Bygmalion. Après, s'agissant de la discrétion, je crois que Nicolas Sarkozy s'exprime longuement dans Paris Match. Je ne sais pas si c'est efficace. Il s'est un peu assis sur les consignes de discrétion de l'Elysée."