"Cet âge de la Françafrique est bien révolu", a déclaré Emmanuel Macron ce jeudi 2 mars 2023 à Libreville au Gabon, ajoutant que la France était désormais un "interlocuteur neutre" sur le continent. "Cet âge de la Françafrique est bien révolu et j'ai parfois le sentiment que les mentalités n'évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j'entends, je vois qu'on prête encore à la France des intentions qu'elle n'a pas, qu'elle n'a plus", a-t-il lancé devant la communauté française dans la capitale gabonaise, où il doit participer dans l'après-midi à un sommet sur la protection des forêts tropicales.
Au commencement d'une tournée de quatre jours en Afrique centrale, le chef de l'État a également souligné que la réorganisation militaire française engagée depuis plusieurs mois ne constitue "ni un retrait, ni un désengagement". "Il ne s'agit en l'espèce ni d'un retrait ni d'un désengagement, mais d'adapter un dispositif", en redéfinissant les "besoins" des pays partenaires et en offrant "plus de coopération et de formation", a-t-il expliqué.
Le sommet, baptisé One Forest Summit et co-organisé par les deux pays, est destiné à trouver des "solutions concrètes" pour la conservation des forêts, la protection du climat et des espèces dans un contexte de dérèglement climatique, mais "n'aura pas pour objectif de faire adopter de nouvelles déclarations politiques", ont souligné par avance les organisateurs.
Ils précisent qu'il aura surtout vocation à mettre en application les objectifs fixés par l'Accord de Paris sur le climat (2015) et la COP15 de Montréal sur la biodiversité (2022).
Devant les caméras, Emmanuel Macron a insisté sur l'enjeu de "mobiliser les financements internationaux", car "on parle toujours dans nos sommets de milliards, mais les gens en voient très peu la couleur sur le terrain parce que les mécanismes sont imparfaits". Il a également échangé avec des scientifiques, leur promettant "d'aider la science" à "mieux connaître" les forêts.
D'autres chefs d'Etats de la région dont Denis Sassou-Nguesso (Congo-Brazzaville), Faustin Archange Touadéra (Centrafrique), Mahamat Idriss Déby Itno (Tchad) ou encore Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale) font aussi le déplacement. Les présidents français et gabonais concluront le sommet par deux discours en fin de journée.
La venue d'Emmanuel Macron a été décriée par une partie de l'opposition politique et de la société civile gabonaises, qui l'accusent de venir "adouber" Ali Bongo, qui avait succédé laborieusement à son père, le président Omar Bongo, décédé en 2009 après avoir dirigé ce riche petit pays pétrolier pendant 41 ans. Ali Bongo avait été réélu dans des conditions controversées en 2016 et sera probablement candidat à sa réélection cette année.
C'est le dix-huitième déplacement d'Emmanuel Macron en Afrique depuis le début de son premier quinquennat en 2017, où l'influence et la présence française sont de plus en plus remises en question. Depuis 2022, l'armée française a été poussée hors du Mali et du Burkina Faso par les juntes au pouvoir dans ces deux pays. Mardi, le Burkina a également dénoncé un accord d'assistance militaire signé avec la France en 1961, l'année d'après l'indépendance du pays, auparavant colonie française.
Forte des mercenaires du groupe Wagner et de campagnes de désinformation qui alimentent le sentiment antifrançais, la Russie dame de plus en plus le pion à Paris dans cette sphère d'influence française historique. Emmanuel Macron a exposé lundi depuis Paris sa stratégie africaine pour les quatre ans à venir. Il a prôné "l'humilité" et encouragé un nouveau partenariat "équilibré" et "responsable" avec les pays africains. Il a également annoncé une réduction de la présence militaire française, concentrée depuis dix ans sur la lutte contre le jihadisme au Sahel.