ÉDITO - Mort de Jean-Marie Le Pen : "Il a rendu le sujet de l’immigration tellement radioactif", estime Étienne Gernelle

Par ses déclarations provocatrices, Jean-Marie Le Pen a rendu le sujet de l'immigration presque impossible à aborder sereinement, créant une polarisation qui persiste encore aujourd'hui.

Jean-Marie Le Pen

Crédit : BORIS HORVAT / AFP

MORT DE LE PEN - Comment il a a torpillé le combat de sa vie

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MORT DE LE PEN - Comment il a a torpillé le combat de sa vie

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Cela peut paraître très paradoxal, mais Jean-Marie Le Pen aura beaucoup nuit à la cause qui a été la sienne pendant plus de 50 ans : la lutte contre l’immigration, par ses outrances. On se souvient par exemple de sa sortie atroce sur "l’inégalité des races", il a rendu le sujet de l’immigration tellement radioactif qu’on n’arrive toujours pas à avoir en France sur le sujet un débat serein, apaisé, constructif. En tout cas sans acrimonie.

L’immigration est un débat abrasif dans beaucoup de pays, mais sans pour autant vitrifier la conversation comme en France. Dans beaucoup de pays d’Europe, on y arrive quand même. Y compris à gauche d’ailleurs ! Au Danemark, par exemple, ce sont les sociaux-démocrates qui ont pris des mesures restrictives. En Allemagne, c’est le SPD sous Olaf Scholz qui rétablit des contrôles aux frontières.

Tout cela sans excès de langage, sans montrer du doigt. Un bon débat sur l’immigration, ça doit être ennuyeux. C’est un sujet technique. On parle procédures, marché du travail, démographie. Si vous ne bâillez pas un peu, c’est que ce n’est pas au niveau. En France, à cause de Jean-Marie Le Pen, c’est quasiment mission impossible.Très vite, le débat se résume à des anathèmes.

Une rente électorale

Certains se souviennent peut-être de Georges Marchais, en 1981, qui disait "il faut stopper l’immigration". Ce n’était d’ailleurs pas le premier dans l’histoire de la gauche française. Mais depuis l’émergence de Le Pen, le sujet est devenu tabou. Cela a assuré au FN, puis au RN, une forme de rente électorale. Mais les autres partis ont pour beaucoup déserté ce débat. Et cela n’a pas aidé à faire évoluer de manière pragmatique et intelligente les politiques d’immigration.

C’est probablement là le plus grand échec politique de Jean-Marie Le Pen, beaucoup plus que sur le plan électoral. François Mitterrand pensait que Jean-Marie Le Pen ne voulait pas vraiment le pouvoir. Il disait dans ses confidences à Franz-Olivier Giesbert : "Le Pen cherche seulement à s'amuser, choquer, provoquer. C'est le Pétomane de notre époque".

En revanche, ceux qui l’ont rencontré ces dernières années assurent qu’il parlait encore beaucoup d’immigration. C’était vraiment son sujet, qu’il a donc, paradoxalement, torpillé.

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