Un hommage est rendu ce vendredi 5 janvier aux Invalides, à Jacques Delors, l'un des pères fondateurs de l'Europe. Il a été l'homme qui a dit non à la présidentielle. Dans la cour des Invalides, il y aura des dizaines de dirigeants européens et de membres éminents des instances européennes, comme s'il s'agissait des obsèques d'un chef d'État que Jacques Delors n'a jamais été. C'est un des rares favoris d'une présidentielle qui soit venu un soir de décembre 1994, sur un plateau de télé, dire "non merci", face à Anne Sinclair dans l'émission 7 sur 7. Ceux qui n'ont pas vécu ce moment n'ont pour la plupart aucune idée de qui était Jacques Delors et du rôle qu'il a pu jouer, sur le plan français comme sur le plan européen. Jacques Delors fait partie de ces personnalités très importantes qui n'ont pas été président de la République.
Et pourtant, Emmanuel Macron a souhaité lui rendre cet hommage, notamment parce que c'est Jacques Delors, l'Européen. Il a été l'un des pères bâtisseurs de l'Europe d'aujourd'hui. Il restera comme le président de la Commission européenne qui a conduit les chefs d'État à adopter le traité de Maastricht, qui reste comme un tournant européen et qui lui a valu, c'est vrai aussi, pas mal de critiques. Et il est aussi l'un des artisans de l'Euro, des accords de Schengen ou encore du programme Erasmus. Il paraît qu'Emmanuel Macron veut aussi rendre hommage à la méthode Delors. Cela risque d'être à double tranchant pour le chef de l'État, parce que Jacques Delors était tout sauf un homme politique. Delors était un homme en prise avec le réel. Il avait un rapport profond à la réalité, sans doute dû à son passé de syndicaliste, d'abord à la CFTC, puis à la CFDT.
Dans les 110 propositions de Mitterrand en 1981, Delors savait que certaines n'étaient pas raisonnables et il le lui disait. Mais Mitterrand lui répondait qu'il l'avait promis à ses électeurs, qu'il avait été élu pour ça. Jacques Delors a eu un jour cette phrase en conférence de presse : "À part le Premier ministre, le ministre de l'Économie, et cinq ou six fonctionnaires, tout le monde se fout de l'inflation". La journaliste Christine Clerc, qui l'a beaucoup suivi à l'époque, raconte dans ses carnets que ce n'est pas son âge ou l'envie d'avoir une vie équilibrée qui a fait renoncer Jacques Delors à la présidentielle. Elle dit de lui qu'il aurait été incapable de mentir à ses électeurs. C'était d'abord un homme incapable de mentir.
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