ÉDITO - "Élisabeth Borne est fragilisée, mais pas encore condamnée", estime Alba Ventura
Si les relations sont distendues entre Emmanuel Macron et Élisabeth Borne, que beaucoup voient sur le départ, la Première ministre "n'est pas encore condamnée" selon Alba Ventura.
C’est officiel, la Première ministre Élisabeth Borne a "toute la confiance" du président. Ça veut dire que le président est impulsif, qu’il dit ce qu’il pense à haute voix devant ses ministres. Ça veut dire que ses ministres sont trop bavards et certains même trop contents de se répandre auprès des journalistes pour tenter de déstabiliser la cheffe du gouvernement. Et ça veut dire que, comme l’épisode du recadrage en plein Conseil des ministres a pris beaucoup trop d’ampleur, il devenait urgent de dire que tout allait bien entre Emmanuel Macron et Élisabeth Borne.
Mais le fait qu’un président dise que la Première ministre a toute sa confiance et que la Première ministre à son tour dise "j’ai toute la confiance du président", c’est qu’il y a un petit sujet quand même. Ce n'est pas le premier accroc entre eux, d'abord il y a eu un gros désaccord de fond sur la réforme des retraites. Élisabeth Borne a été nommée avec son étiquette de gauche pour être la Première ministre de la concertation, du compromis... Elle était supposée être la carte maîtresse sur ce dossier, Emmanuel Macron a trouvé qu’elle avait mal vendu la réforme.
Donc cela a été le premier et très sérieux accroc entre eux, sans compter le désaccord sur le 49.3 ou encore cet épisode où la Première ministre avait réclamé une "période de convalescence" après la séquence houleuse des retraites, "on maintient le cap", avait répondu le président depuis la Chine.
Borne est certes raide et parfois maladroite, mais elle est loyale
Alba Ventura
Désaccords et contradictions, c’est un peu leur modus vivendi. Souvenez-vous du dossier "immigration" que Matignon voulait ranger dans les placards, Emmanuel Macron a dit "pas question" ! Ou bien ce moment un peu surréaliste où cette fois la Première ministre a rectifié le président sur les règles environnementales européennes. Emmanuel Macron avait demandé une pause. "Pas de pause dans l’ambition climatique" avait répliqué Élisabeth Borne. Entre ces deux-là, il y a parfois, comme on le dit vulgairement "un peu de mou dans la corde à nœuds".
Élisabeth Borne est fragilisée mais pas encore condamnée. Quand on change de Premier ministre, il faut être sûr que c’est une bonne opération. Changer pour changer ça ne résout rien. Vous savez ce que vous avez, mais vous ne savez pas ce que vous risquez à changer. Et puis Emmanuel Macron ne se dédit pas facilement - même quand il sait qu’il s’est trompé - et même si, à lire le livre de notre confrère Ludovic Vigogne, il a regretté que ses proches lui imposent Élisabeth Borne au détriment de Catherine Vautrin venant des rangs de la droite et qu’il avait choisi, il sait par ailleurs qu’Élisabeth Borne a une énorme qualité : elle est loyale. Elle est certes raide et parfois maladroite, mais loyale.
Et on sait bien qu’être à Matignon, ça donne des ailes, vous mettez Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire c’est une autre histoire. Enfin, elle a aussi un autre avantage, c’est qu’elle assure une forme de point d’équilibre entre la droite et la gauche macroniste. Il a beaucoup de rumeurs sur son remplacement, comme toujours lorsque les relations sont un peu distendues. Certains disent que l’été signera la fin de son CDD... On verra. C’est peut-être parce que le président lui a donné 100 jours après la promulgation de la réforme des retraites, 100 jours pour lancer les nouveaux chantiers, trouver des majorités. Bref 100 jours pour convaincre, rendez-vous donc autour du 14 juillet.