ÉDITO - "Chez nous, on a désappris la pratique du compromis depuis 1958", estime Étienne Gernelle
Étienne Gernelle décrypte le rêvez d’une “koalition” à l’Allemande en France. Pourquoi les partis de notre voisin européen réussissent à s’allier pour gouverner et pas ceux de la France ?
Pourquoi les partis allemands réussissent à s’allier pour gouverner et pas ceux de la France ? On en connait un qui se demande ça tous les matins, c’est François Bayrou. Pourtant, les situations allemandes et françaises ont des points communs.
À l’extrémité droite du spectre, l’Afd, comme le RN en France, est jugé infréquentable par les autres partis. Aucune alliance possible, et Friedrich Merz, le patron de la CDU l’a redit hier. Sur la frange gauche, il est impossible pour la droite et le centre de composer avec Die Linke en Allemagne comme avec LFI en France. Bref, il y a un étau et la solution, en Allemagne, c’est la grande coalition.
On appelle celle-ci la GroKo, ou große Koalition, unissant la CDU de Friedrich Merz à la SPD d’Olaf Scholz. Ce sera long, ce sera difficile, mais cela finira probablement par arriver. En France, si on osait la comparaison, cela reviendrait à rassembler au sein du même gouvernement Bruno Retailleau et François Hollande.
Mais pourquoi c’est possible en Allemagne et pas en France ?
Ce synthème est possible en Allemagne, car la combinaison des institutions, du système électoral – la proportionnelle – et de la culture politique fait que la coalition, c’est la norme. C’est la culture du "Kompromiss", dont vous aurez compris la traduction en français.
Chez nous, on a désappris la pratique du compromis depuis 1958. Tout est fait pour dégager des majorités franches, et il y a même une certaine culture de l’écrasement de l’adversaire, et puis il y a quand même une limite à la comparaison des partis politiques.
Dans la GroKo, il y a le SPD. Et on ne peut pas complètement comparer le SPD au Parti socialiste. Il y a beaucoup de différences entre les deux, déjà rien qu'en termes de noms.
Le SPD, un parti de gauche capable de faire des économies
SPD est l’abrégé de Sozialdemokratische Partei Deutschlands. Autrement dit Parti social-démocrate allemand. Pas socialiste, social-démocrate ! Alors c’est peut-être un détail, mais ça veut dire beaucoup dans le rapport à l’économie de marché.
Il y a certes beaucoup de sociaux-démocrates au sein du PS, mais pas seulement et cette différence se traduit dans les programmes. Le SPD, qui est vraiment de gauche, veut par exemple augmenter le salaire minimum et créer un impôt sur la fortune.
Mais il veut aussi baisser les taxes sur les petites et moyennes entreprises, et surtout, il ne veut en aucun cas revenir sur l’âge de la retraite, qui est, en Allemagne, de 67 ans ! Bref, vous l’avez compris, la GroKo à la française n’est pas tout à fait pour demain.
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