ÉDITO - Assemblée nationale : les comptes d'apothicaires de la majorité "buvette"

Qu'est-ce que la "majorité buvette" ? Ce sont tous les députés qui, au moment des votes, ne seront pas là. Enfin, ils seront à la buvette, pas dans l'hémicycle. Et mine de rien, ce sont eux qui vont vraiment faire et défaire les majorités sur des textes.

Pour compléter cette image de la "majorité buvette", un ministre m'a donné une autre image, disons plus familière. "À nous de faire en sorte qu'au moment des votes, dit-il, des députés soient pris d'une envie pressante". C'est l'abstention bienvenue.

Emmanuel Macron a souhaité, il y a une semaine, trouver une majorité plus large et plus claire pour agir. Dans le détail, les ministres à l'œuvre en coulisses ont décrit la solution. "Avec des députés Les Républicains, c'est là que se trouve la plus grosse réserve. Et pourquoi pas quelques députés socialistes".

Il y a de quoi trouver des majorités au coup par coup, des majorités de circonstance. Sauf qu'une semaine plus tard, tout le monde se rend à l'évidence. Ces majorités, même avec de longues discussions et des concessions, ne seront jamais évidentes.

Pour un député de l'opposition, même s'il se déclare très très constructif et ouvert, il reste difficile pour lui de voter "pour". Alors, le gouvernement a revu ses ambitions à la baisse, ou plutôt, il a changé de stratégie. 

Des majorités très relatives au coup par coup

L'objectif n'est pas de réunir à chaque coup 289 députés pour faire adopter son projet de loi mais plutôt de ne pas avoir 289 députés contre son projet de loi. Ça change tout. Il ne faut pas de majorité contre tant qu'il y a une majorité, même très très relative, pour. Ça fait un peu comptes d'apothicaires, mais c'est la nouvelle réalité, et le futur fonctionnement de cette nouvelle assemblée éclatée.

Ceux qui font la différence et donnent une majorité, même riquiqui, au gouvernement, ce sont les abstentionnistes. Pour un autre ministre, puisque nous sommes dans les images ce matin, "il faut tout faire pour éviter de provoquer un arc électrique entre le Rassemblement National et la Nupes".

Que les deux côtés de l'hémicycle se retrouvent à voter ensemble, ce qui mettrait en danger la majorité présidentielle, s'il n'y a pas assez de monde aux toilettes. Mais à priori, ça ne devrait pas arriver tous les jours. Un ministre a déjà la parade : mettre dans chaque texte de loi un élément, une carotte, que la gauche, ou alternativement la droite, ne peut pas voter ou ne peut pas ne pas voter.

Si je vous dis : "L'augmentation des moyens de la police", la droite ne peut y être que favorable. Si je vous dis : "L'augmentation du SMIC", ça ne sera jamais assez. Mais la gauche peut difficilement bloquer une augmentation, même insuffisante. Les autres n'ont plus qu'à s'abstenir. Et à la fin, quelques députés font le vote. Ce n'est pas de la grande politique. Nous l’appellerons la majorité "Ah excusez-moi, il faut que je vous laisse".

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