Alba Ventura : "Le gel, c'est surtout de saison au gouvernement"
CHRONIQUE - Taxis, fonctionnaires, travail du dimanche... Jean-Marc Ayrault joue les pompiers de service. Résultat : les candidats à Matignon sont à nouveau de sortie. François Hollande laisse faire. Ceci explique peut-être cela.
Ces jours-ci, le gouvernement multiplie les gestes d'apaisement (certains diront des concessions ou des reculades). Le gouvernement est-il sur la défensive ? Il faut surtout y voir un gouvernement qui subit, qui n'est pas à la manœuvre. Un gouvernement qui réagit plus qu'il n'agit. Sur la famille, sur les taxis et sur les fonctionnaires, il donne le sentiment de voguer au gré des rumeurs, des démentis, des coups de gueule, des manifs ou des maladresses.
Navigation au gré des rumeurs
Résultat : quand ce n'est pas le gouvernement et le PS qui se tirent des balles dans les pieds, c'est le Conseil d'État qui vient contredire les mesures décidées en urgence pour éteindre les feux. Preuve en est le travail du dimanche. On dit jusqu'en 2015 pour tous. Hop, retoqué !
Pour calmer la fureur des taxis, on dit quinze minutes de handicap pour les voitures de tourisme avec chauffeur. Paf, retoqué ! Jeudi, toujours dans l'urgence, on inventele gel des immatriculations des fameux VTC. Le gel c'est de saison, mais surtout au gouvernement.
Il y a clairement un problème de lisibilité et de cohérence de la part de l'exécutif. Prenez le cas des fonctionnaires. Tout est parti d'une rumeur. "Le ministre de l'Éducation nationale envisagerait de geler les salaires de son ministère". Deux heures plus tard : démenti. Quelques jours plus tard, c'est à la "une" de plusieurs journaux. Cette fois, pas de démenti. L'Élysée murmure que le sujet n'est pas tranché. Donc il est bien sur la table. Et le patron des socialistes à l'Assemblée confirme mercredi. Résultat :Jean-Marc Ayrault est obligé de jouer les pompiers en affirmant qu'il n'en est pas question.
Il peut s'agacer Jean-Marc Ayrault. Il peut trouver que tout le monde à la dent dure. Mais franchement, le spectacle est désolant. Comme si rien n'était réfléchi, pas pensé. Improvisé pour dire le mot.
Hollande se croit protégé par les institutions
Le problème, c'est que tout ça, c'est la faute du président, qui tranche peu et laisse ses ministres court-circuiter Matignon pour venir plaider directement leur cause. L'Élysée ne dément pas les rumeurs. Il en fait même naître certaines. L'ennui, c'est aussi que François Hollande dit oui à tout le monde, ou qu'il ne dit rien. Tout le monde se croit alors autorisé à penser qu'il a raison et donc à le dire. Et c'est reparti pour une rumeur ou un couac.
Un ténor du PS résume assez bien les choses. "En fait, ils sont trop occupés à gouverner pour être capable de prévoir (...) L'exécutif ne fait pas de politique, il ne traite que l'urgence".
Alors est-ce qu'ils sont conscients ou pas ? C'est difficile à dire. François Hollande se dit qu'il est protégé par les institutions, avec cette philosophie de vie qui dit que demain sera toujours mieux qu'aujourd'hui. Jean-Marc Ayrault gère tant bien que mal une équipe dont une poignée voudrait sa place.
Remaniement ou pas ?
Quant à la majorité, elle grogne, mais elle n'est pas encore en crise. Cela fait vingt-et-un mois qu'elle entend François Hollande dire qu'il faut laisser passer l'orage. Vingt-et-un mois que ça dure. Mais "le gouvernement ne peut pas rester dans les cordes", nous confiait un ministre jeudi.
D'où le retour des rumeurs de remaniement qui reviennent. Certains en reparlent de plus en plus, et pas seulement les candidats à Matignon. Pour l'instant, si on écoute les plus proches de François Hollande, l'horizon de Jean-Marc Ayrault c'est 2015. Mais c'est toujours la même chose : allez savoir ce que le président en pense vraiment.
