Le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les violences à l'école, né notamment des révélations sur les méthodes de l'école privée Bétharram, a terminé ses travaux. Il pointe un "défaut d'action" de l'État pour protéger les enfants. Une vision des choses contestée par François Bayrou, actuel Premier ministre et acteur au niveau local, national et familial du dossier. Un démenti accueilli "avec consternation" par Paul Vannier, l'un des rapporteurs de la commission, invité sur RTL ce 2 juillet 2025.
"Il faut assumer ses responsabilités. Nous documentons beaucoup de choses dans ce rapport qui n'est pas un rapport Bétharram ou Bayrou, précise le député insoumis du Val-d'Oise. Nous regardons les choses telles qu'elles sont et nous constatons. Depuis 1995, François Bayrou était informé des violences physiques, depuis 1998 des violences sexuelles. Il était alors ministre, président du conseil général, qu'il avait les moyens d'agir et il n'a rien fait. En conséquence de quoi des générations d'élèves ont vu leurs vies ravagées".
"Il y a eu un rapport d'inspection en 1996, très contradictoire, pointe le rapporteur. Sa conclusion blanchit l'établissement, or, il décrit aussi des châtiments corporels comme le supplice du perron : mettre un enfant quasiment nu, la nuit, l'hiver, dehors, pour le punir, avec des conséquences extrêmement graves, décrit Paul Vannier. Si j'avais été ministre de l'Éducation nationale à cette époque, si j'avais reçu ce rapport, j'aurais agi très différemment de ce qu'il a fait. Car manifestement, après ce rapport, il n'a rien fait.
Dénonçant des "monstruosités" et un "État défaillant" face à un déferlement de violences en milieu scolaire pendant des décennies, la commission parlementaire propose 50 mesures pour mieux protéger les enfants. La commission d'enquête a permis de dresser le "constat accablant" d'une "défaillance majeure de l'État" a déclaré Paul Vannier lors d'une conférence de presse, appelant à une "révolution" face aux violences scolaires.
La commission d'enquête est née du scandale autour des révélations sur l'affaire des violences sexuelles et physiques qui se sont poursuivies pendant des décennies à Notre-Dame-de-Bétharram, établissement huppé du Béarn où le Premier ministre François Bayrou a eu des enfants scolarisés. L'affaire a entraîné des révélations en chaîne de mauvais traitements et agressions sexuelles dans d'autres établissements, souvent catholiques, à travers toute la France. Elle a secoué François Bayrou qui était ministre de l'Éducation pendant que de premières plaintes liées à des violences sur des enfants dans l'école et son internat étaient déposées.
Les députés pointent chez lui un "défaut d'action" à l'époque, qui a pu laisser les violences "perdurer", alors qu'il était "informé" et "avait les moyens" d'agir. Fatiha Keloua Hachi, la présidente de la commission parlementaire, fustige aussi les attaques lancées par François Bayrou, lors de son audition fleuve devant la commission, contre l'ex-professeure de Bétharram Françoise Gullung, qu'il a accusée d'avoir "affabulé" alors qu'elle était l'une des rares lanceuses d'alerte et l'accuse de vivre dans un monde "différent du nôtre" où l'on peut donner des "claques éducatives".
Les rapporteurs évoquent à Notre-Dame-de-Bétharram "un véritable déchaînement de violences" avec "une communauté de notables au soutien indéfectible", dont des "membres du gouvernement". Les députés décrivent les mêmes "logiques à l'oeuvre" dans d'autres établissements, dont des "violences institutionnalisées sous prétexte d'excellence pédagogique". Paul Vannier répète à l'envi que François Bayrou a menti sur ce qu'il savait des sévices à Bétharram et qu'il a commis un parjure, mais Fatiha Keloua-Hachi a écarté l'idée d'une action en justice.
Pour les rapporteurs, les mécanismes d'omerta et de mauvais traitements étaient "accentués dans l'enseignement catholique", du fait d'un "modèle éducatif explicitement plus strict, s'appuyant sur de nombreux internats". Le rapport souligne que des violences "encore invisibilisées" dans l'enseignement public persistent de façon "préoccupante" dans l'enseignement privé, "notamment catholique".
Les travaux de la commission d'enquête ont permis 80 signalements à la justice concernant 250 établissements en France.
Paul Vannier a fustigé le fait que la relation entre les établissements privés et le ministère de l'Education soit "perturbée par le fait qu'un acteur, le Secrétariat général à l'enseignement catholique (Sgec) s'est imposé comme un intermédiaire" sans statut légal pour cela. Il appelle à dépasser ce "ministère bis" qui selon lui agit comme un véritable lobby.
Philippe Delorme, Secrétaire général du Sgec, dénonce pour sa part "une orientation qui voudrait que l'enseignement public et privé fonctionnent exactement de la même manière, ce qui est complètement absurde", a-t-il dit. "On ne peut pas dire que nos 7.200 établissements dysfonctionnent", insiste-t-il. La co-rapporteure Violette Spillebout (Renaissance) promet toutefois qu'il ne s'agit pas de "rouvrir la guerre scolaire" entre enseignement public et privé ou de faire "la guerre à François Bayrou". "Ce que nous voulons, c'est la paix pour les victimes", insiste-t-elle. Parmi les recommandations, le rapport appelle à reconnaître "la responsabilité de l'État pour les carences" ayant permis ces violences et créer un "fonds d'indemnisation et d'accompagnement des victimes".
"François Bayrou, le 15 février, nous a assuré qu'il créerait ce fonds. Nous sommes le 2 juillet. Nous n'avons toujours rien", a toutefois déploré sur RTL Alain Esquerre, porte-parole d'un collectif d'anciens élèves de Bétharram. Les députés veulent aussi lancer une mission parlementaire transpartisane chargée de propositions pour "rendre imprescriptibles certaines infractions commises sur les mineurs".
Ils demandent plus de contrôles dans tous les établissements et surtout le privé où ils étaient quasi inexistants jusqu'à il y a peu, notamment dans les internats, plaident pour "lever systématiquement le secret" de la confession s'il "porte sur des faits de violences commis sur mineur de moins de 15 ans".
Quant à la ministre de l'Éducation Élisabeth Borne, elle va à présent examiner "s'il y a lieu d'adapter le plan 'Brisons le silence' lancé en mars" qui rend les signalements de violences dans les établissements privés sous contrat obligatoires, augmente les contrôles de l'État et le nombre d'inspecteurs dédiés, entre autres, selon le ministère.
Bienvenue sur RTL
Ne manquez rien de l'actualité en activant les notifications sur votre navigateur
Cliquez sur “Autoriser” pour poursuivre votre navigation en recevant des notifications. Vous recevrez ponctuellement sous forme de notifciation des actualités RTL. Pour vous désabonner, modifier vos préférences, rendez-vous à tout moment dans le centre de notification de votre équipement.
Bienvenue sur RTL
Rejoignez la communauté RTL, RTL2 et Fun Radio pour profiter du meilleur de la radio
Je crée mon compte