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Photographie de l'EP Tabou de Dawa Salfati.
Crédit : Dawa Salfati
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De ses 12 à ses 17 ans, l'artiste Dawa Salfati a été victime d'inceste de la part de son père. Ces années de silence, elles les dévoilent aujourd'hui pour elle, mais aussi "pour les autres, pour la cause". Dawa Salfati a commencé à se livrer à son entourage à ses 19 ans, puis a déposé plainte à 24 ans. Dix ans plus tard, son père vient d'être condamné en septembre 2025 à quinze ans de réclusion criminelle.
Les violences débutent en 2004, au sein de la maison familiale du Tarn-et-Garonne. Deux ans plus tard, ses parents se séparent et la mère et le frère de Dawa Salfati quittent le domicile. La chanteuse, alors adolescente, se retrouve isolée avec son père. "C'était une sorte de prison", décrit-elle. Ces années sont aussi marquées par les menaces. "Soit il allait se suicider, soit il allait tuer tout le monde si je parlais", dénonce Dawa Salfati.
Comment prendre la parole pour décrire des années d'inceste ? Comment a réagi son entourage ? Parler lui permet-elle de réellement se sentir libérée ? Dans Les Voix du crime, Dawa Salfati confie son "long cheminement" pour libérer sa parole et le déroulé de dix années de procédures judiciaires.
Lorsque Dawa Salfati vit avec son père, elle se retrouve seule et contrôlée. Pour aller à l'école, il lui interdit de s'habiller comme elle le souhaite, de mettre du déodorant et il lui rase les cheveux. "J'étais très stigmatisée", se souvient l'artiste. Il va jusqu'à refuser qu'elle poursuive sa scolarité au lycée : "Il m'a fait redoubler ma troisième (...) pour ensuite me sortir de l'école et pouvoir m'emmener où il voulait".
J'ai été totalement objectivée. J'étais sa fille et j'étais sa femme
Dawa Salfati, auteure-compositrice et interprète
Durant ces cinq années de viols incestueux, elle n'a personne à qui se confier. Au lieu d'être au lycée, l'adolescente devient l'assistante photographe de son père. Elles effectuent de nombreux voyages professionnels à ses côtés, en France, comme à l'étranger. Autant de lieux où les agressions et les viols se sont produits.
"J'ai été totalement objectivée. J'étais sa fille et j'étais sa femme. C'était une posture que je devais tenir", rapporte l'artiste qui se souvient qu'elle devait donner l'impression "d'être plus vielle" alors qu'elle n'avait que 15-16 ans.
La première fois que Dawa Salfati a confié ce qu'elle a subi, c'était à sa mère. Elle était âgée de 13 ans. Quand elle l'a alerté, "elle a commencé à s'énerver. Elle m'a dit "s'il recommence, tu me le dis". Mais je n'ai jamais pu lui redire. Parce que mon père faisait tout pour nous éloigner", déplore-t-elle. Sous emprise, elle a subi cet inceste jusqu'à ses 17 ans.
À ce moment-là, son père et elle sont partis vivre chez sa grand-mère paternelle. Dans ce petit appartement, Dawa Salfati a ressenti le comportement "ambigu" des deux adultes avec qui elle vivait. Ce contexte a déclenché en elle une colère. "J'arrive enfin à dire que je ne suis plus d'accord. Je commence à tout casser", explique la chanteuse. Son père s'est senti dépourvu de pouvoir sur elle et a décidé de ramener sa fille à sa mère.
De retour chez sa mère, Dawa Salfati nourrit sa vocation d'artiste. Elle s'investit dans la musique. Le piano et la guitare lui apportent "une forme de guérison, de soutien intérieur". Aujourd'hui encore, ses concerts sont des "écoutes collectives" lors desquelles elle récolte des témoignages d'autres victimes. Après un premier EP intitulé Tabou dont les textes parlent des injonctions qui incombent aux femmes, dans son deuxième EP à paraître en 2026, Dawa Salfati abordera l'inceste. "Je me sens en paix quand je chante", résume-t-elle.
La seconde fois où elle parle à haute voix de ces viols incestueux, c'est à son propre père. À l'occasion de son 19ᵉ anniversaire, Dawa Salfati revoit son père dans un café et lui dit : "Tu peux me le dire, tu m'as violée, parlons-en". Il nie, lui rétorque que "c'était de l'amour" et lui somme de revenir. "S'en est ensuivi un long cheminement de libération de ma parole, d'en parler à plusieurs personnes", raconte Dawa Salfati dans Les Voix du crime.
Cette progression a abouti à son dépôt de plainte lorsqu'elle avait 24 ans. Sans le soutien de sa mère qui n'inquiétait que cet acte "empire la situation", elle dépose plainte en Dordogne pour inceste. Cette plainte a débouché sur huit années d'instruction. À leur terme, un premier procès s'est tenu en novembre 2024, mais au deuxième jour d'audience, l'accusé ne s'est pas présenté. Le procès a été ajourné. "J'ai vécu une forme de sidération (...) Il était allé sur la tombe de ses parents s'alcooliser", explique la chanteuse. Le lendemain, son père s'est rendu à la police et il a été placé en détention provisoire.
Ces procès sont une réelle évidence sociétale. Il faut qu'il y ait de plus en plus de procès en public
Dawa Salfati, auteure-compositrice et interprète
Le second procès a eu lieu un an plus tard, devant la cour criminelle départementale du Lot-et-Garonne. Lors des deux audiences, la chanteuse a refusé le huis clos pour visibiliser sa parole. "Ces procès sont une réelle évidence sociétale. Il faut qu'il y ait de plus en plus de procès en public", affirme Dawa Salfati. En septembre 2025, le père de Dawa Salfati a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle, dont sept ans de peine de sûreté.
Maintenant que le procès est passé et que la condamnation de son père est prononcée, l'artiste se trouve "dans une sorte de postpartum". Après avoir dédié des années à ce combat, elle ressent tout de même "que cela ne change pas grand-chose". Pour se reconstruire, il lui manque l'aveu ultime, celui de son père qui a toujours nié les faits, dans un contexte familial, comme dans une salle d'audience.
Comment on fait le deuil d'un trauma pareil sans que son agresseur reconnaisse ?
Dawa Salfati, auteure-compositrice et interprète
"C'était comme ça mon but, de porter plainte pour qu'il avoue. Même pas forcément s'excuser, mais juste dire, c'est vrai, c'est arrivé. Et vu qu'il n'a rien dit, j'ai l'impression de continuer encore un nouveau processus, de me dire : comment j'avance avec ça ? Comment on fait le deuil d'un trauma pareil sans que son agresseur reconnaisse ?", relate Dawa Salfati. Pour accompagner le processus de libération de la parole des autres victimes, elle a fondé l'antenne locale de l'association "Libérons La Parole" qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Elle conclut : "La plupart du temps, je me sens vraiment en survie.(...) j'avais vu une interview d'une personne qui parlait de ça et qui disait que finalement, ce sont les victimes qui prennent la perpétuité. Et c'est super triste".
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