"C'est lui qui va nous expliquer qu'il est appelé par sa fille dans la nuit du 21 au 22 juin 2011. Elle va lui dire ‘papa, on a fait une bêtise, il faut que tu viennes nous chercher’". Robert de La Gautrière, major de la gendarmerie maritime, se souvient de la garde à vue de cet homme, soupçonné d'avoir aidé sa fille à dissimuler le cadavre d'un homme. Le directeur d'enquête raconte cette affaire qui l'a profondément marqué dans Les Voix du Crime.
Et pour cause, une affaire de cette ampleur, Robert ne la vécu qu’une fois dans toute sa carrière. En juillet 2011, deux plaisanciers font une découverte macabre : celle d’un cadavre dans une valise à la dérive dans la baie de Lorient. L’autopsie est formelle : l'individu a été assassiné. Pendant de longs mois, les enquêteurs vont tout faire pour retrouver l’identité de cet homme, dont les empreintes sont inconnues.
C’est grâce à une clé retrouvée sur le cadavre que les gendarmes parviennent à reconstituer les pièces du puzzle. Le défunt s’appelle Farid Ouzzane, un proxénète et indic de la police installé à Paris. Les témoignages mettent la section de recherches de la gendarmerie de Brest sur la trace de deux de ses employées, Maëlle et Sabrina.
Placées en garde à vue, l’une des deux avoue pendant que l’autre nie. Maëlle, la bretonne, raconte qu’après une dispute, Sabrina a tué Farid, qui les exploitait financièrement. Maëlle serait ensuite intervenue pour aider Sabrina à se débarrasser du corps. Pourtant, cette version ne va pas convaincre les gendarmes.
On comprend bien que, manifestement, elle n'a pas pu agir seule
Robert La Gautrière
"Au début de sa garde à vue, elle va dire que c'est elle toute seule et que de toute façon, son père n’y est pour rien. Mais on comprend bien que manifestement, elle n'a pas pu agir seule. Donc on va prendre le père en garde à vue", se rappelle le major La Gautrière. Les gendarmes sont convaincus que la jeune fille cherche à le protéger.
Lors de son arrestation, le père de Maëlle se montre lui-même soulagé. "Il va presque nous remercier de venir le chercher parce qu’il savait, depuis la presse de juillet 2011, qu’une valise avait été retrouvée dans Lorient et qu'un jour ou l'autre, on allait débarquer chez lui", s’étonne toujours l’enquêteur.
Le père de famille coopère et livre sa version des faits, en toute transparence. Dans la nuit du 21 au 22 juin 2011, Maëlle l’aurait appelé en état de choc. À cet instant, le père de Maëlle le sait : sa fille a besoin d’aide. Doit-il l’aider ou la dénoncer ? Pour lui, c’est une évidence.
Il a fait le mauvais choix, mais il veut protéger sa fille
"C'est un père et il le dira dans sa garde à vue, il a fait le mauvais choix, mais il veut protéger sa fille", rapporte Robert La Gautrière. Et d’ajouter : "Il va prendre la mer avec cette valise (…) il va faire au plus vite pour essayer de la larguer au plus loin qu’il le peut." Ce n’est que deux semaines plus tard que la valise, ce secret dissimulé, va refaire surface.
En 2016, lors du procès, Maëlle écope de six ans de prison, Sabrina de douze. Le père de Maëlle, lui, est condamné à un an de sursis pour recel de cadavre, le prix d'avoir préféré l'amour à l'innocence.
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