Le château d'Escoire en Dordogne, connu pour avoir été le théâtre d'un crime non élucidé, est désormais en vente. Depuis le triple meurtre à coup de serpe, une seule pièce chargée d'histoire est restée intacte.
Le samedi 25 octobre 1941, aux alentours de 8 heures du matin, Jeannette Valade, une petite paysanne de 16 ans, emprunte le sentier qui mène à une austère et monumentale bâtisse adossée à un parc, dans le bourg d'Escoire. Le domaine appartient à une riche famille parisienne, les Girard. Amélie Girard séjourne depuis quelques jours au château avec son frère Georges, haut fonctionnaire du gouvernement de Vichy, et le fils de ce dernier, Henri, 23 ans.
Seule la cuisine est ouverte. La petite paysanne entre, mais ne voit personne, elle appelle mais personne ne répond. Elle traverse la salle à
manger, plongée dans une semi-pénombre, puis se dirige vers le petit salon qui
sert de chambre à Madame Amélie.
Elle y découvre un désordre indescriptible : les tiroirs
d'une commode ont été fouillés, une armoire est ouverte, les draps et les
couvertures roulés en boule, un matelas déplacé. Jeannette aperçoit deux
jambes sur le sol, à droite du lit. Elle pense tout d'abord à une statue jetée
par terre, mais il s'agit d'un corps gisant à plat ventre. La paysanne repart chez elle pour donner l'alerte.
ans une chambre, il y a le corps de Georges
Girard, en partie défiguré par une avalanche de coups donnés par un objet
tranchant. Un autre cadavre se trouve non loin de lui, celui
de la bonne, Louise Soudex, qui loge au château, morte d'un seul coup.
Et celui d'Amélie Girard, qui est la
victime qui a reçu le plus de coups. L'arme du crime est vite trouvée
dans la cuisine, il s'agit une serpe maculée de sang. Monsieur Taulu la
reconnaît : Henri lui avait empruntée la veille.
Les regards se portent d’emblée sur ce jeune homme excentrique, un bon à rien pour beaucoup, dont on dit qu'il détestait sa tante. Le procureur de Limoges prend le dossier du château d'Escoire on
ne peut plus au sérieux.
Les témoins sont entendus. Jeannette Valade, première sur les
lieux, dit que tout était fermé quand elle est arrivée, sauf la porte de
la cuisine, qui ne s'ouvre que de l'intérieur. Elle dit également avoir entendu un bruit après avoir pénétré ce matin-là dans
le salon.
Un autre témoignage intrigue la police, celui de René
Taulu, le fils des gardiens. Le soir des crimes, le jeune homme dit être passé
devant le château peu avant 20h00 et avoir aperçu la bonne. En revenant, vers 21h30, il a été surpris de voir le château
plongé dans l'obscurité. Autre coïncidence, le
tableau d'alimentation se trouve dans la chambre où dormait le jeune Henri
Girard.
Les policiers s’intéressent donc à ce dernier. Il a toujours compté sur son père et sa tante pour subvenir à
ses besoins. Quelques mois avant
la tragédie, il a fait croire à sa tante qu'il était en prison
pour lui soutirer de l'argent, afin de payer sa caution de sortie. Avec ces meurtres, le voilà devenu un très
riche héritier. Il va être interpellé par la police et très
longuement interrogé.
Les médecins qui ont examiné Henri ont remarqué des meurtrissures entre le pouce et l'index de sa main droite, des pincements, qui correspondent à la tenue de la fameuse serpe. Il dit s'être blessé avec cet outil en coupant une haie de sapinettes. Mais Monsieur Taulu affirme que la serpe n'était pas aiguisée quand il l'a prêtée à Henri.
Malgré les interrogatoires poussés des policiers, le fils de la famille continue à nier. Le 28
octobre 1941, Henri Girard est autorisé à assister aux obsèques de son père et
de sa tante à Escoire. Il y est vu par tout le monde comme le coupable. Plus tard dans la journée, dans le cabinet du juge d'instruction Joseph Farizi, il est inculpé de
trois assassinats, dont un parricide, et est écroué à la maison d'arrêt de
Périgueux.
Il va y rester presque deux ans avant un procès. Le 27 mai 1943, Henri Girard fait face aux juges et
jurés de la Cour d'assises de la Dordogne. Comme si le procès était joué d'avance, le directeur
de la maison d'arrêt a demandé à l'avance que soit préparée la cellule spéciale
réservée aux condamnés à mort. Mais, parmi les trois avocats de l'accusé se trouve le ténor du barreau Maurice Garçon. Ce dernier va réussir à faire basculer les jurés en faveur
de l'accusé. Henri Girard est acquitté.
En 1950, Henri écrit un livre sous le pseudonyme de George Arnaud, une histoire inspirée de son séjour en Amérique centrale et au Venezuela après la guerre. Un réel succès. Un film tiré de l'ouvrage, avec Yves Montand, va même remporter la Palme d'or à Cannes en 1953. Il ne reparlera plus jamais de l'affaire. Seul l'auteur de la série de romans d'espionnage SAS, Gérard de Villiers, aurait recueilli des aveux d'Henri Girard, une confession invérifiable à jamais.
- Philippe Jaenada, écrivain, auteur du roman "La Serpe", publié chez Julliard.
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