Trois marins pêcheurs normands ont été placés en détention provisoire après une saisie de 630 kilos de cocaïne, leur chalutier bleu et blanc placé sous scellé toujours à quai à Ouistreham dans le Calvados.
Le "Lucky" avait l'habitude de ramener des Saint-Jacques, mais le 2 avril dernier, ce sont 26 ballots de cocaïne qui ont transité dans sa cale. Valeur marchande, 37 millions d'euros. À bord, deux frères, Anthony et Mathieu, deux marins normands, aguerris, deux Albanais et un contrat à respecter.
La technique s'appelle le drop-off, un cargo ralenti. Celui-là venait du Brésil et rejoignait Amsterdam. La marchandise est jetée à la mer et des bateaux viennent la ramasser. Ce drop-off a eu lieu au large des îles anglo-normandes. La drogue a ensuite été transbordée dans une vedette rapide pilotée par Éric, le troisième pêcheur normand, chargé de la dernière étape.
Mais ce balai nautique était observé et attendu depuis des mois. Un an et demi d'enquête, balises, écoutes, filatures. Ce soir-là, une centaine de policiers, des douaniers, des gardes-côtes sont mobilisés. Les deux frères sont arrêtés à Ouistreham, leurs complices interceptés à Tancarville, le cargo brésilien dérouté vers Dunkerque.
Le procureur de Rennes s'est exprimé le 7 avril, il a parlé de "risques insensés" et il a prévenu tous les autres pêcheurs. Ils ne bénéficieront d'aucune impunité s'ils cèdent à la tentation de l'argent facile. Ils subiront inévitablement des menaces, puis des enlèvements, des séquestrations, des assassinats.
Dans les écoutes révélées par le journal aujourd'hui en France, on entend Anthony confier sa peur et un ami lui répondre : "ils rigolent pas, ils vont te buter, c'est pas des petits vendeurs de shit". Mais ils y sont allés parce qu'il y avait 800.000 euros pour eux à la clé, parce qu'ils avaient déjà touché une partie de l'argent, parce qu'ils ne voyaient plus comment faire autrement.
Cette affaire à peine croyable n'est pourtant pas un cas isolé. "On m'a proposé une enveloppe de 500.000 euros, témoigne anonymement un autre pêcheur devant les caméras de TF1. On est des cibles faciles, dit-il, acculés de charges, de quotas à respecter, de dettes à rembourser".
Certains mordent à l'hameçon. Et quand ce n'est pas du trafic, c'est de la consommation. Un patron de pêche de Lorient le dit au Figaro, dans certains ports, presque la moitié des marins se cament. Pour tenir le coup, la cocaïne circule sur les ponts et dans les cales, en Normandie, en Bretagne, comme dans les ports du Sud.
Et les trafiquants savent qui viser, qui est à bout, qui peut craquer. Ils ont quitté les quais des grands ports trop surveillés. Ils ont abandonné les containers. Ils préfèrent maintenant les bateaux usés de la Manche. Ils misent sur les hommes que l'argent peut faire vaciller. Et à Ouistreham, un chalutier n'a donc pas pris la mer ce vendredi. Le "Lucky" ou, en français, le "veinard".
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