Mercredi après-midi, quai Gambetta à Boulogne, l'équipage du Murex, un bateau spécialisé dans les crabes et homards, décharge sa pêche du jour. Des hommes encore éprouvés. La veille, le 3 septembre, au large du Cap Grinet, après avoir reçu l'alerte, ils ramenaient des corps sans vie.
Axel Baeux, le patron à la barre, a ces images gravées en tête : "Tout de suite au réveil, on y pense. On ne s'attendait pas à ce qu'il y ait des corps. C'était déjà trop tard. J'étais à quatre minutes de route de leur embarcation. J'étais en train de pêcher quand j'ai reçu l'alerte du cross. On a commencé à ramasser les débris, après, on est tombé sur des corps, donc on a ramassé les corps."
Très affecté, le marin poursuit : "Moi, j'en ai remonté trois, dont deux femmes. Il y avait une jeune, je ne sais pas dire l'âge, je pense entre 15 et 20 ans. Et là, oui, c'est dur. Elle avait le téléphone au cou, le téléphone n'arrêtait pas de sonner dans la pochette étanche. C'est ce qui m'a le plus marqué. Là, c'est dur."
Arrivé sur la zone avec son cousin après un navire de la Marine nationale, le pêcheur a vu les restes d'un bateau complètement disloqué : "Je les avais vus passer une demi-heure ou une heure avant. Il n'y avait pas de gilet. La seule chose que j'ai vue qui flottait, c'était une bouée de piscine en forme de pneu."
Ces marins ont pourtant l'habitude de croiser des exilés dans ce détroit du Pas-de-Calais. Encore mercredi matin d'ailleurs, sans forcément penser à cette issue fatale.
Jean-Marie, toujours propriétaire du navire, n'était pas habitué à ces situations en mer : "Moi, à l'époque, il n'y en avait pas. J'ai arrêté de naviguer en 2016. On n'en voyait pas du tout. Aujourd'hui, ce n'est pas tous les jours, mais presque. Il y en a encore eu un tout à l'heure, un départ de migrants. Quand il fait beau, c'est tous les jours. On n'est pas indifférent. C'est eux qui l'ont choisi comme ça. Mais bon, ça fait toujours mal au cœur quand même.
Comme le reste de l'équipage, Axel a décliné le soutien psychologique proposé par les autorités. Même si ces hommes restent pudiques et ont souvent du mal à s'épancher sur leurs émotions, leur regard a changé sur la situation des personnes exilées.
Axel Baeux avoue qu'il comprend ce qui peut motiver ses candidats à l'exil : "Je pense que tout le monde ici en France, si n'allait plus et qu'on était obligé de partir, on ferait pareil. On se croit toujours plus malin, on dit "mais nous, non, on ne ferait pas comme ça, mais si, je pense, c'est pareil"".
Sur ce littoral où le vote RN était encore majoritaire aux dernières législatives, le patron du Murex assure qu'il réagira différemment s'il croise de nouveaux migrants en détresse : "À quelques minutes près, dit-il, sous les yeux de son petit garçon, on aurait peut-être pu sauver des vies."
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