On l'appelait "le pape au sourire" tant son visage semblait joyeux. Pour un souverain pontife, il était jeune, 65 ans, et paraissait en bonne santé. Jean-Paul 1er ne va pourtant diriger l'Église catholique que pendant 33 jours. Le pape François l'a béatifié le dimanche 4 septembre 2022.
La mort va le faucher au début de l'automne 1978, alors qu'il prenait tout juste la mesure de la tâche qui l'attendait. Un décès tellement brutal et sidérant qu'il va aussitôt susciter des doutes, des questions puis peu à peu de sombres accusations. Et si ce pape-là, que personne n'avait vu venir avait tout bonnement été assassiné ?
Ce jeudi 28 septembre 1978, aux alentours de 20h00, Albino Luciani, que le monde entier connait depuis peu sous le nom de Jean-Paul 1er, termine son dîner au troisième étage du palais apostolique, dans la cité du Vatican. Le pape dîne avec ses deux secrétaires particuliers, John Magee et Don Diego Lorenzi. Les quatre religieuses qui s'occupent des appartements pontificaux, ne sont pas loin.
Juste avant le dîner, il a eu une très longue réunion de travail avec le cardinal Villot, puis il a passé un long moment au téléphone. Des témoins lui ont trouvé alors un visage fatigué. Le père Magee lui conseille de se reposer d'autant plus que, selon lui, le souverain pontife a ressenti des douleurs dans l’après-midi. Le pape avait parlé d’un vieux rhumatisme, il n'avait pas voulu déranger son médecin personnel, le docteur Renato Buzzonetti.
Sœur Margherita Marin racontera bien des années plus tard que le pape ne semblait pas toutefois inquiet ce soir-là : "Il travaillait beaucoup. Il se promenait dans l'appartement. Il n'était absolument pas écrasé par la responsabilité qu'il avait reçue". Inquiet ou pas inquiet, la journée a bel et bien été harassante. Il a dû régler toute une série de dossiers lourds et urgents.
La tête tournée vers la droite, un léger sourire, on aurait cru qu'il dormait
Soeur Vincenza
À 20h15, Jean-Paul 1er rejoint sa chambre pour aller se coucher. Ses secrétaires l'encouragent à actionner la sonnette qui se trouve au-dessus de son lit s'il ne se sent pas bien. Le pape les rassure et les encourage à passer une bonne nuit. Les gardes suisses montent la garde devant les portes.
Vers 5 heures du matin, sœur Vincenza, depuis douze ans au service de cet homme devenu pape, vient déposer une tasse de café et un petit pot de lait devant sa porte. Ce dernier a l'habitude de se lever à 4h30 mais la religieuse ne voit aucun trait de lumière. Cinq minutes plus tard, elle repasse devant la porte mais personne n'a touché au café. Elle attend encore trois minutes puis frappe... Pas de réponse. Elle entre et aperçoit le pape, allongé sur son lit, adossé à deux gros coussins, les lunettes posées sur son nez, la tête tournée vers la droite, arborant un léger sourire, les yeux à moitié fermés. "On aurait dit qu'il dormait", répèteront tous les témoins.
Quarante cinq minutes plus tard, le docteur Buzzonetti est sur place. Il n'interroge personne. Trop ému, dira-t-on. Le certificat de décès est établi sur le champ. Après une rapide inspection, le médecin conclut à une mort subite survenue la veille autour de 23 heures. Le pape, 66 ans, est mort d'un infarctus.
Dans
l'heure qui suit la mort de Jean-Paul 1er, un communiqué du Vatican est envoyé
aux médias. Il est écrit que c'est le secrétaire particulier John Magee qui,
inquiet de ne pas avoir vu le Saint Père dans la chapelle pontificale, s'est
rendu dans sa chambre et l'a trouvé sans vie. Un mensonge puisque c’est une
sœur qui a approché la première le corps sans vie…
En début d'après-midi, Radio
Vatican, organe officiel, annonce que le souverain pontife est mort en lisant
un texte intitulé L'Imitation de Jésus Christ. Fausse
information également, qui ne sera démentie que quatre jours plus
tard... Personne ne saura ce que lisait exactement Jean-Paul 1er avant de rendre
son dernier souffle. Seule certitude, ces fameux feuillets dactylographiés,
une note rédigée à son attention, ces pages ont disparu.
- Bernard Lecomte, historien, spécialiste
du Vatican auteur du livre Tous les secrets du Vatican, Perrin.
- Yvonnick Denoël, spécialiste du
renseignement et auteur du livre Les Espions du Vatican, Nouveau Monde Editions.