La"petite martyre de l'A10" : comment l'ADN a permis de résoudre l'enquête

Le 11 août 1987, Loir-et-Cher. Le corps d'une petite fille est découvert le long de l’autoroute A10. Une victime âgée de 3 ou 5 ans. Des traces de coups et des morsures de bouches humaines recouvrent son corps.

Il n’y a aucun moyen de l’identifier, la petite est donc enterrée dans un cimetière sans nom sur la plaque. Son identité reste un mystère. Il faut lancer un appel à témoins dans les médias, mais la tâche est complexe : "Les gendarmes qui nous ont donné cet appel à témoins avaient donné une photographie où l'on voyait l'enfant, le col, la tête de l'enfant, son visage martyrisé et tuméfié. Et le débat qui s'est ouvert au sein de la rédaction était de savoir si on pouvait infliger à nos lecteurs une image aussi terrible", confie un journaliste dans Enquêtes criminelles. 

Les moyens déployés pour découvrir son identité sont colossaux : des milliers d’écoles maternelles sont interrogées et le visage de la petite est affiché dans toutes les mairies. Un témoin affirme avoir vu une voiture s’arrêter sur le bord de l’autoroute A10 le jour du crime. Un homme semblait porter un paquet, mais impossible de retrouver son identité. 

La découverte ADN

20 ans plus tard, grâce à l’avancée de la science, les experts confirment que la petite est originaire d'Afrique du Nord. Une expertise ADN est faite, la couverture qui a enveloppé le corps donne deux traces génétiques, une féminine, une masculine. La dernière est attribuée en 2017 à Anouar T, il s’agit du frère de victime. "Si elle avait eu lieu en 2023, cette enquête aurait été résolue en quelques jours", explique le journaliste George Brenier dans L'Heure du Crime.

Les enquêteurs poursuivent leurs vérifications et arrêtent un an plus tard un couple de divorcés : Ahmed Touloub et Halima El Bakhti. Le père avoue tout de suite : "Je me suis comporté comme un lâche. Cela fait trente et un ans que j'attends votre venue". Dès que les autres enfants demandaient à leur père où était leur sœur, il pleurait, raconte le journaliste Damien Delseny.

Un procès prévu en 2024

Les parents se renvoient la balle devant le juge d’instruction. Ahmed Touloub affirme que son ex-femme frappait souvent la petite fille. La sœur d'Inass alors âgée de 9 ans au moment des faits, confirme au juge la nature violente de sa mère. Cette dernière nie pendant quelques jours jusqu’à cet aveu : "Quand je la tape, je deviens une autre... Je ne me reconnais pas moi-même... Je ne comprends rien... Je l'aimais quand elle est née".

Le 25 novembre 2022, Halima El Bakhti, 68 ans et Ahmed Touloub 70 ans, ont comparu devant la Cour d'assises pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner pour la mère, et complicité pour le père. Un procès devrait s’ouvrir en 2024. "Il doit vite avoir lieu, car d'une part, les parents ne sont plus détenus et de l'autre, ce sont gens qui commencent à être âgés", conclut Damien Delseny.