INFO RTL - Mohamed Amra : les observations alarmantes des surveillants pénitentiaires quelques jours avant son évasion

Mohamed Amra s'est évadé le 14 mai 2024 vers 11 heures, au niveau du péage d'Incarville, en Normandie. Le convoi pénitentiaire qui le ramenait à la prison d'Évreux après un interrogatoire auprès d'une juge d'instruction de Rouen a été attaqué par un commando armé. 

Deux surveillants sont morts, trois autres blessés, avec des séquelles, encore aujourd'hui, neuf mois plus tard. Mohamed Amra, lui, court toujours. Ce lundi 3 février, RTL s'est procuré les observations, écrites par les surveillants pénitentiaires, sur le détenu Mohamed Amra et son comportement à la maison d'arrêt d'Evreux, les jours qui précèdent l'évasion.

"Dangerosité". Le mot apparaît à plusieurs reprises dans ce document synthétique, qui rassemble les commentaires de ceux qui surveillent Mohamed Amra. Le 12 mai 2024, soit deux jours avant l'évasion, un surveillant écrit, par exemple : "Ce jour-là lors de ma ronde spécifique à la cellule occupée par le détenu Amra, j'ai constaté que le détenu détenait un téléphone portable et j'ai également observé que celui-ci prenait des photos des caillebotis et des barreaux." Éloquent. 

Idem le 13 mai, veille de l'évasion : "Durant le service de nuit vers 22 heures, en écoutant les détenus parler à la fenêtre, de la salle de repos, j'ai entendu Amra demander à un détenu de contacter quelqu'un à l'extérieur pour lui envoyer un téléphone."... Et le 14 mai, 10 heures du matin, alors que Mohamed Amra se trouve dans le bureau de la juge d'instruction de Rouen, cette mention : "le portable a été trouvé".

"C'est un malade celui-là"

Dans ces observations au jour le jour, il apparaît que Mohamed Amra ne prenait aucune précaution pour se cacher. Le 14 mai à midi, juste après l'évasion sanglante, deux détenus se confient à un surveillant : "la mouche au QD (quartier disciplinaire) a dit hier soir qu'il allait se faire projeter du C4, c'est un malade celui-là". 

Mohamed Amra, surnommé "la mouche", s'est donc vanté, selon ces deux témoins, d'être le futur destinataire d'un colis, envoyé par dessus les murs d'enceinte de la prison, un colis contenant de l'explosif.

Plusieurs observations concernent la vie quotidienne en détention de Mohamed Amra. Où l'on apprend qu'il suit un régime végétarien, qu'il "souhaite sa propre couette parce qu'il fait des allergies", qu'il est asthmatique (il prend de la Ventoline), ou qu'il est très souvent couché dans son lit. Ses relations avec sa mère ne semblent pas simples car le 19 avril 2024, son parloir est écourté à sa demande : "Elle semblait apeurée et perdue lorsque j'ai refusé la doudoune qu'elle souhaitait rentrer", écrit le surveillant. Comme si elle avait peur de son propre fils.

"Divers incidents et événements inhabituels" à la maison d'arrêt d'Évreux

Mohamed Amra arrive des Baumettes, à Marseille, à la maison d'arrêt d'Évreux, le 11 avril 2024. Et le mois qu'il passe dans cette prison peu sécurisée, sans quartier d'isolement, sans mirador et sans glacis extérieur, est émaillé de "divers incidents et événements inhabituels pour ce type d'établissement", peut-on lire dans le rapport de l'Inspection générale de la justice rendu l'été dernier. 

Ainsi, à partir du 5 mai 2024, deux semaines après son arrivée à Evreux, Mohamed Amra fait l'objet d'une surveillance spécifique. La direction passe la consigne, prescrivant à chaque agent "la rédaction d'observations sur son comportement à chaque service", est-il précisé dans le rapport de l'Inspection générale de la justice, rendu fin juillet 2024. L'ancien ministre Éric Dupond-Moretti avait déclenché fin mai cette inspection. 

Une demande d'escorte spéciale rejetée

Pourquoi alors Amra n'a-t-il pas été interrogé en visio le 14 mai par la juge d'instruction ? Pourquoi les forces de l'ordre n'ont-elles pas escorté le convoi pénitentiaire ? On sait que la fiche de profilage de ce détenu, initiée par la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes le 30 avril 2024, préconise une escorte 3 renforcée, "compte tenu du profil de ce détenu, du risque de complicité extérieure". 

Le 7 mai 2024, la direction de la maison d’arrêt d’Évreux "obtient le concours du commissariat local pour escorter le fourgon pénitentiaire sur l’itinéraire aller-retour du palais de justice", précise l'IGJ. Le 13 mai 2024, veille de l'évasion, l’autorité de régulation des extractions judiciaires de Rennes "y répond défavorablement en rappelant la doctrine encadrant les extractions judiciaires, Mohamed Amra n’étant pas un détenu particulièrement signalé". Sa dangerosité a manifestement été mal évaluée.

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