Google, Facebook, Skype… Comment le réalisateur Ludoc s'est lancé à la poursuite d'un pédocriminel sur Internet

Le temps est nuageux sur Los Angeles, en ce vendredi 6 juin 2014 à 9h32, moment où Ludovic "Ludoc" Hudson reçoit une invitation sur le logiciel d'appels vidéos Skype, de la part d'un certain Pascal, 58 ans. Le réalisateur est présent aux États-Unis avec une troupe du collectif de vidéastes du "Studio Bagel" pour l'Electronic Entertainment Expo (E3), l'un des plus grands salons internationaux du jeu vidéo en Californie.

Derrière son ordinateur, le jeune homme de 26 ans se fait passer pour un mineur. Une fausse information qui n'empêche pourtant pas le prédateur de 58 ans de poursuivre une conversation qui s'envenime au fil des échanges. "Il commence très vite au bout de deux questions à me demander mon orientation sexuelle, si je suis en couple", raconte Ludoc dans Les Voix du crime.

Ce dernier souhaite en connaître davantage sur la personne avec qui il échange depuis de courts instants. Très vite, un évènement vient bouleverser le cours de l'affaire. "C'est au moment où lui met sa webcam, se montre torse nu, puis montre son sexe à l'image...  Je me dis que je ne peux pas clôturer la discussion avec lui, en me disant qu'il risque de faire ça avec d'autres vrais enfants", explique-t-il.

Je suis allé sur Facebook (...). Je lui ai demandé où il habitait.

Ludoc

Ludoc se lance alors dans une chasse à l'homme, une traque sur Internet à plus de 9.000 kilomètres de la France, pour démasquer celui qui se cache derrière ce profil Skype. Il veille à adopter une bonne démarche, pour capturer le pédocriminel. Dès les premiers jours d'enquête, il parvient à identifier l'adresse du prédateur à l'aide des réseaux sociaux et de l'outil de recherche géographique Google Street View.

Nom, prénom et adresse postale de l'individu sont récoltés au fur et à mesure, et le réalisateur remarque que le prédateur semble plus vulnérable une fois excité. "Je suis allé sur Facebook. D'abord, j'ai cherché des photos de lui, je ne l'ai pas trouvé (...). Je lui ai demandé où il habitait, il m'a dit : 'dans le nord de la France'. Quand il était en webcam une nouvelle fois le lendemain, tout nu (...), je lui ai demandé plus de précisions et il m'a dit : 'dans la banlieue sud de Lens'", se souvient Ludoc.

Son champ de recherche augmente, sur des pistes qui, elles, se réduisent, les unes après les autres. À l'aide de ses amis vidéastes, ce dernier accumule le plus d'informations possibles. À son retour en France, en juin 2014, le jeune homme dépose une main courante à la Brigade de protection des mineurs, et quelques temps plus tard, la brigade traque à son tour le pédocriminel. 

Il y a le soulagement de dire "enfin, il est arrêté", et le questionnement : "pourquoi ça a pris autant de temps ?"

Ludoc

Ce dernier sévit aussi auprès d'autres victimes et véritables mineures au moment des faits. Deux d'entre elles, portent plainte en décembre 2014 et octobre 2016 contre lui. Ce n'est qu'en 2018, qu'il est finalement arrêté par la police. La fin d'un long chapitre. "D'abord, il y a deux réactions : soulagement, dire "enfin, il est arrêté", et le questionnement de "pourquoi ça a pris autant de temps ?", se souvient Ludoc.

Le 10 avril 2018, s'ouvre le procès de Pascal "****", le prédateur d'Internet, au tribunal judiciaire d'Arras. Trois ans de suivi socio-judiciaire et 500 euros d'amende lui sont infligés. Une peine que Ludoc a du mal à comprendre au départ, mais que, Mikaël Benillouche, avocat pénaliste présent dans le documentaire, lui explique.

"Ce qu'il me dit sur cette peine, c'est qu'il peut être plus intéressant pour ce type de personnes de faire un suivi socio-judiciaire plutôt que d'aller en prison, explique Ludoc. En prison, ils vont passer plusieurs années sans croiser d'enfants et ils risquent de sortir comme des 'cocottes minutes' à agresser le premier enfant qu'ils croisent, parce que l'envie n'aura pas disparu", ajoute-t-il.

La protection des mineurs sur Internet

Engagé auprès de l'association Caméléon, qui lutte contre les violences commises aux enfants, Ludoc souhaite sensibiliser le plus grand nombre d'enfants susceptibles de devenir de nouvelles victimes sur Internet. La fin du documentaire réalisé rappelle l'existence de plateformes e-Enfance et du numéro 3018, pour signaler les situations de harcèlement et de violences numériques touchant les mineurs présents sur le web.

"Je deviens porte-parole mais d'un truc qui me dépasse un peu (...). Je reçois beaucoup de messages même dans les commentaires de gens qui disent : 'je suis content', des gens de 12-13 ans qui me disent : 'je vais faire un peu plus attention maintenant', ou ce genre de choses. Si je peux être porte-parole là-dessus, c'est cool. Par contre, je ne suis pas la bonne personne", estime l'homme de 36 ans.

>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.


Deux fois par mois, l'une de ces Voix du crime nous raconte son point de vue sur une affaire criminelle. Un podcast RTL.

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