À l'automne 1995, le juge français Bernard Borrel est retrouvé sans vie, en partie carbonisé, au pied d'un ravin dans le désert de Djibouti. Une mort tragique, aussitôt déclarée comme le suicide d'un homme désespéré. Une thèse refusée par son épouse, Elizabeth Borrel et certains légistes.
Mohamed Saleh Alhoumekani, ancien membre de la sécurité du palais présidentiel de Djibouti, met directement en cause le président Omar dans l'assassinat de Bernard Borrel, appelé le juge fouineur. Réfugié à Bruxelles, Mohamed Saleh rapporte une discussion au palais présidentiel le 19 octobre 95, où Omar Guelleh et quatre autres personnes évoquaient l’élimination de Borrel. Le témoin va confirmer ses déclarations et dit avoir subi des pressions pour modifier son témoignage.
"Je sais depuis 2002 que ce n'est pas un suicide", déclare Elisabeth Borrel, la veuve du juge assassiné. "À tous les niveaux du dossier, il y a à la fois des éléments qui permettent d'aller au-delà, mais il y a aussi tous ceux qu'on essaye de faire disparaître. Et toutes les fois qu'on fait une avancée, on se prend finalement un mur".
Décembre 2003, huit ans après le début de l'affaire, Sophie Clément, cinquième juge en charge du dossier Borrel, demande à pouvoir consulter les documents classés secret-défense. Les autorités ont jusque-là refusé de transmettre ces pièces protégées. Une dizaine seulement vont être remises à la juge. Au total, les juges vont faire sept demandes de déclassification, mais aucun document ne sera transmis pour la période 1995 et 1996.
"Le secret défense de l'ancien régime où l'État a tous les droits, et tous les droits contre les citoyens", explique André Lucas, président du comité de soutien à Élisabeth Borrel, au micro de RTL. "Dans l'affaire Borrel, on s'aperçoit que quand l'État à un problème, il s'acharne sur la victime au lieu de la défendre".
Le 12 novembre 2015, Elisabeth Borrel, fait part de sa colère. Le président du tribunal de Paris vient de lui annoncer que 70 scellés de l’affaire ont été détruits. On sait que deux traces d'un ADN inconnu, qui devaient subir de nouvelles expertises, y figuraient. Le briquet qui a servi à mettre le feu est également perdu, tout comme des colis piégés adressés, après le drame, à la veuve.
"Dans ces scellés détruits, il y a les morceaux du corps de mon mari. Il faut que la greffière qui était en charge du dossier doive s'expliquer. Si ce dossier est toujours en cours, c'est parce qu'on n'a pas d'explication sur ce dossier, sur cette destruction, et on n'a pas d'explication non plus sur la fausse mention d'un non-lieu. Aujourd'hui, il y a une instruction d'ouverte".
13 juillet 2017, vingt-deux ans après les faits, le parquet de Paris fait savoir que les dernières expertises confirment la piste criminelle. Le juge Borrel a bien été assassiné. Lundi 16 mars 2020, l'État français est condamné à payer 140.000 euros de dommages et intérêts à l'épouse et aux deux enfants de Bernard Borrel. Le tribunal souligne l'erreur grossière de la destruction des scellés du dossier Borrel.
L'assassinat est désormais acté, mais l'enquête reste ouverte et Elisabeth Borrel va continuer à se battre. "Je me bats pour mon pays. Je crains qu'actuellement, on ne respecte plus notre constitution et les citoyens", confesse la veuve du juge Bernard Borrel, au micro de RTL.
- Elizabeth Borrel, magistrate, épouse de Bernard Borrel et co-auteure avec Bernard Nicolas du livre publié en 2006 aux .
- André Lucas, président du comité de soutien à Élisabeth Borrel.