Assassinat de Samuel Paty : le procès des mineurs, "une audience très poignante", se souvient l’avocate de ses proches

C'est un assassinat aux nombreux acteurs. Samuel Paty, enseignant d'histoire-géographie, est poignardé puis décapité le 16 octobre 2020, près de son collège du Bois d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d'origine tchétchène de 18 ans abattu le même jour par la police.

Le jeune islamiste reprochait à Samuel Paty d'avoir, quelques jours plus tôt, montré des caricatures du prophète Mahomet, réalisées par le journal Charlie Hebdo, à l'occasion d'un cours sur la liberté d'expression. Peu de temps avant les faits, Anzorov, proche de la "djihadosphère", ce regroupement de personnes associées au djihad sur les réseaux sociaux, ne connaissait ni l'identité de sa victime, ni cet établissement des Yvelines dans lequel Paty enseignait depuis trois ans.

Quelques instants avant le drame, six adolescents et collégiens du Bois d'Aulne sont resté surveiller les abords du collège et ont désigné Samuel Paty à l'assaillant, en échange de 300 euros. En novembre 2023, s'est ouvert le procès de ces six prévenus, au tribunal pour enfants de Paris. "Une audience très poignante", se souvient Me Virginie Le Roy, l'avocate de la famille de Samuel Paty, pour Les Voix du crime.

Il y en a un qui aura cette phrase terrible au bout de l'interrogatoire : 'Quand j'ai croisé le regard de Samuel Paty, j'ai réalisé que c'était un humain'.

Me Virginie Le Roy

Près de trois ans jour pour jour après l'assassinat, le procès se tient à huis clos. Certains prévenus, âgés de 14 et 15 ans, ne peuvent contenir leurs émotions. "On a vu un collégien arriver avec une boule au ventre, des larmes et des sanglots... Il était détruit par ce qu'il avait fait. D'autres étaient beaucoup plus détachés, beaucoup plus froids, donc on se demandait s'ils réalisaient vraiment ce qui était en train de se passer", raconte Me Le Roy.

"Il y en a un qui aura cette phrase terrible au bout de l'interrogatoire : 'quand j'ai croisé le regard de Samuel Paty, j'ai réalisé que c'était un humain'. Je pense qu'il réalisait l'atrocité de ce qui avait été fait et l'engrenage auquel il avait participé", ajoute Me Le Roy. Chacun des accusés plaidait la relaxe, déniant toute responsabilité dans la mort de l'enseignant de 47 ans.

Les condamnations des prévenus mineurs

"Ce qu'on attend d'un procès aussi, c'est une plus-value par rapport à ce qui a été déclaré en procédure, lors des gardes à vue, lors des auditions. C'est une rencontre d'êtres humains. Et cette rencontre-là, elle est attendue. Au bout de quatre ans d'enquête, on a envie de voir les gens, on a envie de plonger les yeux dans les yeux. On a envie de poser nos questions, d'avoir des réponses. Et ce sont ces réponses qui ont manqué", confie Me Le Roy.

Au terme du procès, le 8 décembre 2023, les peines sont prononcées pour les six ex-collégiens. Deux ans de prison et six mois fermes aménagés avec port de bracelet à l'encontre de l'ex-collégien abordé par Abdoullakh Anzorov. Les quatre autres jeunes ont eux été condamnés pour "association de malfaiteurs", à des peines allant de 14 à 18 mois, avec sursis probatoire. 

Une sixième adolescente, âgée de 13 ans au moment des faits, a été condamnée à 18 mois de sursis probatoire pour dénonciation calomnieuse. Cette dernière avait accusé, à tort, Samuel Paty d'islamophobie en disant que l'enseignant avait demandé aux élèves musulmans de la classe de sortir, avant de montrer les caricatures de Mahomet. Elle n'était pas présente au cours en question.

 >> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.


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