Affaire Véronique Lardé : son suicide en prison est "une injustice absolue", dénonce l'avocat Loïc Bussy

Il est aux alentours de 6 heures du matin le 25 octobre 2016 quand l'agent pénitentiaire de service s'arrête devant la cellule de Véronique Lardé. Depuis la veille, cette quinquagénaire comparaît devant la cour d'Assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais), accusée d'avoir assassiné son ex-mari Frédéric Butanowicz en l'empoisonnant. Dans quelques heures, elle doit retourner au tribunal. L'agent s'aperçoit très vite que ce ne sera pas possible : en jetant un coup d’œilleton, il voit son corps pendu aux barreaux de la cellule.

"Elle n'a pas fait l'objet d'une surveillance particulière", déplore Loïc Bussy, avocat de la famille de Frédéric Butanowicz, dans Les Voix du crime. Avec la mort de l'accusée, c'est la fin de l'action publique : personne ne sera jamais jugé, ni condamné dans cette affaire. "C'est-à-dire qu'il y a déjà l'auteur qui est décédé, elle part avec son mystère, elle n'a pas pu répondre, il n'a pas pu de décision pénale, c'est-à-dire une vérité judiciaire. Mais de l'autre côté, vous avez une famille qui, de façon définitive, de façon éternelle, aura des points d'interrogation. Et ça, c'est une souffrance, mais perpétuelle pour elle."

L'avocat dénonce "une injustice absolue". "Je le dis avec beaucoup de responsabilité, mais beaucoup de colère aussi. Je trouve que c'est dégueulasse le sort qui lui a été fait à cette femme (...) Les conditions de détention des personnes en France, c'est déplorable et elle en est victime. Alors, elle était peut-être l'auteure d'un crime, mais aussi, elle est victime d'un système", poursuit-il avec émotion.

On laisse crever des gens en prison dans des conditions minables

Me Loïc Bussy

Loïc Bussy raconte cette affaire qui le hante dans un livre, L’Éternelle innocente (Michalon 2024). "Je n'ai pas connu jusqu'à cette affaire de clients qui se soient donné la mort en détention, explique-t-il. J'aime quand je prends un dossier, qu'il y ait une fin, qu'il y ait une réponse juridique et là, ce n'est pas le cas, et c'est exceptionnel pour moi."

Écrire sur cette affaire lui a permis de coucher sur papier les réflexions qu'elle a suscitées chez lui. "On est une puissance stratégique, économique, politique, tout ce que vous voulez, et on laisse crever des gens en prison dans des conditions minables", s'indigne-t-il. "Et à l'heure où je vous parle, vous savez, il y a des gens qui se suicident, qui ont tenté de se suicider peut-être ce matin en se levant, ou peut-être ce soir en allant se coucher. Et ça, cette idée m'est purement insupportable, quel que soit ce qu'on leur reproche ou ce qu'ils ont fait !"

LoÏc Bussy déplore d'autant plus le manque de volonté lorsqu'il s'agit de protéger des détenus fragilisés comme c'était le cas de Véronique Lardé. "Je pense qu'elle avait bien préparé son coup, admet-il. On n'a pas pu l'empêcher, mais il faudrait prendre les moyens pour faire en sorte que ça arrive le moins possible et que tout le monde soit dans de bonnes conditions." Un plaidoyer qu'il termine par un souhait : "l'humanité pour tous et pour tout le monde".

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