Pourquoi Véronique Lardé, surnommée "la veuve noire du Pas-de-Calais", restera-t-elle une "éternelle innocente" ?

Lorsqu'il propose son aide à une de ses consœurs, l'avocat Loïc Bussy ne s'attendait pas à la tournure dramatique qu'allait prendre le dossier de l'assassinat de Frédéric Butanowicz. Ce 24 octobre 2016 à la Cour d'Assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) il s'apprête à représenter la famille de ce quinquagénaire retrouvé mort cinq ans plus tôt. En face, dans le box des accusés, se trouve Véronique Lardé, l'ex-femme de la victime.

"C'est une grande femme blonde qui s'est assise dans le box, qui s'est affaissée au fur et à mesure que les témoins passaient, que les heures passaient, se souvient Me Loïc Bussy dans Les Voix du crime. Et finalement, je n'ai pas vu grand-chose physiquement d'elle, juste le haut de sa tête, parce qu'elle était recroquevillée dans ce box".

Lors de cette première journée d'Assises qu'il raconte dans L’Éternelle Innocente (Michalon, 2024), Véronique Lardé est accablée par les témoins appelés à la barre. "Ils la décrivent de façon particulièrement défavorable pour elle, dans des termes peu élogieux, rapporte l'avocat. Ils disent que c'est une menteuse compulsive, maladive, qu'elle est très intéressée par l'argent, qu'elle est manipulatrice." Le jour d'après, Véronique Lardé ne se présente pas devant la Cour : enfermée pour la nuit dans sa cellule de la prison de Sequedin à Lille, elle a mis fin à ses jours.

Jusqu'au bout, elle va dire 'Je suis innocente'

Me Loïc Bussy

Derrière elle, Véronique Lardé laisse une lettre... sans y évoquer l'affaire pour laquelle elle comparaît. Les proches de Frédéric Butanowicz sont dévastés. "C'est un mélange d'effroi et de colère, décrit Me Loïc Bussy. La colère qu'aucune réponse judiciaire ne sera donnée du fait de la disparition de la mise en cause. Et de l'effroi parce qu'ils s'y attendaient quand même un peu."

Depuis la découverte du corps de Frédéric Butanowicz, ses proches étaient persuadés de la culpabilité de son ex-femme. En garde à vue, la suspecte avait même avoué les faits avant de se rétracter. "À partir de ce moment-là, elle se prétend innocente, raconte Loïc Bussy. Et jusqu'au bout, elle va dire 'Je suis innocente'."

L'enquête montre pourtant une toute autre lecture du dossier : Véronique Lardé se faisait passer pour médecin auprès d'un de ses collègues, encaissait des chèques fournis par Frédéric Butanowicz, l'avait retrouvé quelques jours avant sa mort en mentant sur les raisons de sa venue, et était capable de dessiner avec précision l'endroit où elle avait déposé son corps - un cimetière du Common Wealth dans la commune de Courcelles-le-Comte.

La mort de Véronique est une injustice absolue

Loïc Bussy

Au fur et à mesure des investigations et de leurs auditions de témoins, les enquêteurs remontent la piste de cette femme au parcours semé de morts suspectes. Son premier mari avait déjà été retrouvé inanimé au pied de son lit. "Il aurait bu alors qu'il ne buvait jamais, il aurait pris des médicaments et accidentellement serait tombé de son lit qui devait être à dix centimètres de hauteur. Et on l'a retrouvé comme ça", soupire Me Loïc Bussy.

Sans compter son mari de l'époque - le troisième - qui se plaignait de maux de ventre disparus aussitôt sa femme partie du domicile. Et si Véronique Lardé était une "veuve noire" qui empoisonnait ses partenaires ? C'est la piste privilégiée par les enquêteurs : des traces de Fentanyl, une molécule prescrite aux malades du cancer, ont été retrouvées au moment de l'autopsie du défunt.

"Frédéric n'était atteint d'aucune pathologie, de telle sorte que si on a retrouvé du Fentanyl dans son corps, c'est que nécessairement on lui a administré, explique Loïc Bussy. La seule personne qui pouvait l'administrer, c'était Véronique et elle était en possession de ce médicament qui lui avait été remis par le mari de la défunte dont elle s'occupait puisqu'elle se prétendait médecin."

Malgré tous ces éléments convergents, Véronique Lardé reste innocente aux yeux de la justice : sa mort le 25 octobre 2016 a mis fin à toute procédure pénale. "Une injustice absolue" selon Loïc Bussy, qui regrette que les proches de Frédéric Butanowicz soient privés de réponse... pour l'éternité.

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