Affaire Nathalie Debaillie : chronique d'un féminicide annoncé

Nathalie Debaillie savait qu’elle allait mourir. Ses proches aussi. Pendant des mois, cette mère de famille de 47 ans a tenté d’alerter la police sur la menace que représentait son ex-compagnon, Jérôme Tonneau. Elle a déposé plaintes et mains courantes en racontant les menaces explicites, le harcèlement quotidien et les tentatives d’approche. Rien n’y a fait.

Le 27 mai 2019 à Lille, ce qu’elle redoutait s’est produit. À 8h50, dans un parking du centre-ville, Nathalie est enlevée par plusieurs hommes sous les yeux d’un témoin. Un motard tente d’intervenir, mais reçoit deux balles en caoutchouc.

Nathalie est embarquée dans une camionnette blanche. Moins de quatre heures plus tard, son corps est retrouvé dans la baignoire de l’appartement de son ancien compagnon. Elle a la gorge tranchée avec les mains et poignets tailladés.

Un crime prémédité, sans mystère

Très vite, les enquêteurs identifient Jérôme Tonneau comme le commanditaire et l’auteur principal du meurtre. Trois complices, des hommes recrutés pour l’enlèvement, sont arrêtés dans les deux jours. L’enquête ne souffre d’aucune zone d’ombre. Il passe aux aveux. 

L'ancien compagnon raconte une scène planifiée de longue date, motivée par une supposée histoire d'argent avec Nathalie. Il dit être entré en "transe", avoir utilisé un taser, puis un cutter, et laissé l’eau couler dans la baignoire après le crime. Il reconnaît également avoir tenté d’enlever Nathalie à plusieurs reprises avant ce jour.

Des signaux ignorés par les institutions

Le dossier judiciaire révèle une série de négligences accablantes : trois mains courantes, une plainte pour menaces de mort et des déclarations explicites sur les intentions de Tonneau... Mais elle n'aura aucune réponse, pas même une audition.  Dans l’une de ses mains courantes, la future victime racontait : "Il m'a suivie jusqu'aux ascenseurs alors qu'il voulait entrer, je l'ai poussé de la main." 

"On dit à toutes les femmes, à la première alerte "courez au commissariat" et c'est ce qu'elle a fait ! Cette plainte, il faut le rappeler, elle la dépose le lendemain d'un coup de téléphone qu'elle reçoit de deux amis de Tonneau qui lui disent : "Il va t'enlever. Il va te mettre dans le coffre de la voiture, tu es en danger", explique Maître Carine Delaby-Faure, avocate de la famille de Nathalie Debaillie.

Dans sa plainte de mars 2019, Nathalie explique que Jérôme Tonneau "aurait dit qu'il avait l'intention de la buter. L’agent qui prend la plainte conclut : "Aucune mesure de protection n’est à mettre en œuvre." Deux jours plus tard, Nathalie reçoit une photo de pierre tombale envoyée par son ex-copain.

"Elle n'a cessé de retourner à la police. Et c'est la double peine : on est traqués et harcelés, et il n'y a qu'une solution, c'est de demander une protection, mais on n'est pas entendus ni crus par les policiers. Donc, c'est sans issue", souligne Nicolas Debaillie, frère de la victime, au micro de L'Heure du crime pour RTL.

Une justice enfin rendue, mais trop tard

Le 24 juin 2024, Jérôme Tonneau est jugé devant la cour d’assises de Douai. Il reste mutique, prostré, alors que les témoignages s’enchaînent. Famille, amis, enfants décrivent une femme terrorisée et à bout. Les experts dressent le portrait d’un homme froid, agressif et obsédé par sa victime. Le 5 juillet, il est condamné à 30 ans de réclusion criminelle, assortis de 20 ans de sûreté. Le crime est requalifié en assassinat. Ses complices écopent de peines allant de 16 à 20 ans. 

Mais la famille de Nathalie ne s’arrête pas là. Le 7 mai 2025, devant le tribunal judiciaire de Paris, elle assigne l’État pour faute lourde. La famille réclame 200.000 euros pour les enfants de la victime, 100.000 euros pour le frère, autant pour l’ex-mari. Carine Delaby-Faure, avocate de la famille de Nathalie Debaillie, souligne que la démarche est avant tout "symbolique". 

Les invités de "L'Heure du crime"

- Maître Carine Delaby-Faure, avocate au barreau de Lille et avocate avec Maître Isabelle Steyer de la famille de Nathalie Debaillie. 
- Plana Radenovic, journaliste police/justice RTL. 
- Nicolas Debaillie, frère de Nathalie Debaillie.

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