Affaire Fabrice Autrand : comment a-t-il orchestré l'assassinat de sa compagne ?

Samedi 6 avril 2013, la police d'Alès est appelée en urgence, dans la nuit. Rachel, une femme de 34 ans, vient de recevoir trois balles dont l'une aurait pu être fatale, lors d'une tentative de cambriolage. La victime était au lit avec son compagnon, Fabrice Autrand, 41 ans, quand un homme cagoulé, a fait irruption dans la chambre du couple. Leur petit garçon, âgé tout juste de dix mois, dormait dans une chambre voisine. 

Au vu des faits, les enquêteurs sont convaincus que Rachel était la seule personne visée cette nuit-là. Une information judiciaire pour "tentative de meurtre" est alors ouverte. Les enquêteurs savent que les relations de Rachel avec sa belle-mère, Geneviève, sont conflictuelles, au point qu'elles se détestent. "Elle avait une vision sur nos comptes en banque, elle commentait les dépenses qu'on pouvait faire, la manière dont j'élevais mon fils. Elle avait son mot à dire sur tout, tout le temps, raconte Rachel dans L'Heure du crime. Fabrice avait 40 ans, je ne comprenais pas la logique d'autant qu'il était quand même directeur d'entreprise, donc il avait l'habitude de s'imposer dans son milieu professionnel. Je ne comprenais pas pourquoi il était comme ça, sous le joug de sa maman dans notre vie personnelle." 

Difficile pourtant de croire que ce différend familial soit à l'origine d'une tentative de meurtre. La victime est interrogée. Elle ne se souvient de rien de suspect, sauf d’avoir vu son compagnon discuter il y a un ou deux mois avec un certain Mourad Bouabida, agent de sécurité. Les policiers, qui enquêtent discrètement sur Fabrice Autrand, note de nombreuses conversations avec l'agent de sécurité et de multiples retraits d'argent liquide. Autre détail intrigant : la nuit de la tentative de meurtre, le téléphone de Bouabida était éteint entre 1h37 et 2h32, pile le créneau de l’attaque.

Jeudi 5 décembre 2013, Fabrice Autrand est placé en garde à vue. Après quelques heures d’interrogatoire, il avoue avoir eu l'idée de supprimer Rachel après une énième dispute de celle-ci avec sa mère. Il a alors parlé de son idée à Mourad Bouabida, en échange de 15.000. Ce dernier lui a conseillé de faire passer la mort pour un accident ou un suicide. Dans le scénario convenu entre les deux hommes, Fabrice Autrand devait recevoir une balle, mais le soir fatal, l’arme s'est enrayée.

Il était pris en étau entre ma mère, très autoritaire, et toujours prête à l'infantiliser et à le rabaisser, et la femme qu'il aimait

Grégory Autrand, frère de Fabrice Autrand

Fabrice Autrand et Mourad Bouabida sont mis en examen et écroués, même si ce dernier répète qu'il est totalement étranger à cette affaire. Autrand justifie son idée de tuer Rachel car il était dans l'incapacité de choisir entre deux femmes qui se déchiraient, sa mère et sa compagne.

"Je crois que le conflit qu'il y avait entre ces deux femmes étaient pour lui quelque chose de perturbant. De là à dire qu'il aurait dû choisir entre sa mère et sa femme, je pense qu'à aucun moment il envisageait de tuer sa mère. La seule qu'il envisageait de tuer c'est Rachel, confirme Me Iris Christol, avocate de Rachel. On sait que cet homme a ruminé ça pendant des mois avant le passage à l'acte. Ce n'est pas quelque chose d'impulsif : on a trouvé, des mois avant la tentative d'assassinat, des recherches pour faire le plus beau faire-part de décès possible, donc cet homme savourait déjà à l'avance son statut de veuf."

Vendredi 3 mars 2017, les deux complices se retrouvent devant la cour d'assises du Gard, à Nîmes. Une femme policier raconte l'attitude impassible de Fabrice Autrand lors des interrogatoires. Il racontait avoir réfléchi à plusieurs scénarios pour tuer Rachel : un faux accident de voiture, mais elle était trop prudente, un faux suicide par pendaison, mais la rambarde de la maison n'était pas assez solide, ou encore le poison. Grégory Autrand indique à propos de son frère : "Il était pris en étau entre ma mère, très autoritaire, et toujours prête à l'infantiliser et à le rabaisser, et la femme qu'il aimait". Après une semaine de procès, Fabrice Autrand est condamné à vingt-sept ans de prison. Mourad Bouabida, qui a toujours démenti son implication, écope de vingt ans. 

Lundi 13 janvier 2025, Fabrice Autrand, 53 ans, réclame sa remise en liberté devant le tribunal de l'application des peines d'Agen. Il a fait onze ans de prison sur les 27 prononcés. Me Iris Christol, avocate de Rachel, s'insurge contre la sortie de cet homme qui aurait obtenu un relèvement total de sa peine de sûreté. Rachel se dit "horrifiée" par la perspective d'une sortie. "C'est un sujet qui dépasse largement ma petite personne. Il faut effectivement qu'il y ait une réforme et que, dans le cadre de crime grave, il ne puisse plus y avoir de libération anticipée de cet ordre là. C'est du mépris pour les enquêteurs qui ont fourni un travail colossal, c'est du mépris pour nous, les victimes. C'est insupportable", regrette Rachel. Une pétition a d'ailleurs été lancée pour appeler à cesser la libération anticipée par des assassins et criminels violents.

Les invités de "L'Heure du crime"

- Rachel, victime de cette tentative d’assassinat, ex-compagne de Fabrice Autrand.
- Me Iris Christol, avocate au barreau de Montpellier, avocate de Rachel.

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