Les conclusions du dernier rapport d’expertise médicale sont parvenues aux magistrats chargés de l’instruction du dossier Adama Traoré à Paris. C’est la première fois que les conclusions d’un rapport commandé par la justice convergent avec celles des experts mandatés par la famille.
L’expertise avait été ordonnée en juillet par les juges d’instruction et confiée à une équipe belge, en gage d’indépendance. Elle conclue à un probable "coup de chaleur" aggravé par l’interpellation du jeune homme.
C’est désormais le neuvième rapport médico-légal versé au dossier Adama Traoré, ce jeune homme décédé le 24 juillet 2016 à Persan-Beaumont (Val d’Oise) après une course-poursuite et son interpellation par les gendarmes. Mais celui-ci, que RTL a pu consulter, pourrait relancer l’affaire. Les médecins belges mandatés par les juges d’instruction cet été concluent en effet à une possible responsabilité des gendarmes. Ils posent le diagnostic d’un "coup de chaleur à l’exercice" du fait de la course poursuite sur plus de 500 mètres par une température de plus de 36 degrés, mais aggravé par l’immobilisation pratiqué par les gendarmes et "dans une moindre mesure" par deux pathologies dont souffrait Adama Traoré. "Cette évolution (le décès), n’aurait probablement pas eu lieu sans l’intervention de ces facteurs aggravants", conclue le groupe d’expert.
C’est la première fois dans ce dossier qu’une expertise ordonnée par les magistrats met en cause l’interpellation par les gendarmes. Jusqu’ici les deux rapports d’autopsie et quatre expertises ordonnées par les juges (dont une annulée en décembre dernier) avaient conclu à un décès par conjonction de diverses causes, la course-poursuite, les pathologies préexistantes chez Adama Traoré, et la consommation de cannabis. Seuls les rapports médicaux produits par ma famille tendaient à des conclusions diamétralement opposées, impliquant les gestes d’immobilisation pratiqués par les gendarmes et un "plaquage au sol" par les gendarmes ayant entrainé une "asphyxie positionnelle".
Les experts belges, désignés par les juges parisiens afin de les soustraire à l’exposition médiatique, ne tranchent pas sur les responsabilités mais répondent avec précision à chaque question posée, prenant à contrepied plusieurs des conclusions précédentes, des deux côtés. D’abord, est-ce que les pathologies dont souffraient Adama Traoré ont pu contribuer au décès ? La réponse est clairement non pour la sarcoïdose détectée chez le jeune homme, et non également pour le trait drépanocytaire s’il est pris isolément. Le cannabis est également écarté. Ces deux points étaient régulièrement avancés par le défense des gendarmes. En revanche les experts belges vont dans leur sens en concluant que jeune homme a été très vraisemblablement victime d’un "coup de chaleur à l’exercice".
"Les critères reconnus de diagnostic nous semblent rencontrés" écrit le rapport. Ce qui signifie que le malaise du jeune home aurait commencé avant l’interpellation, ce qu’un témoin clef, le propriétaire de l’appartement où Adama Traoré devait être interpellé, avait décrit au juge avant de se rétracter partiellement. Enfin, concernant le point central du "syndrome asphyxique" relevés dans les rapports d’autopsie les conclusions sont très prudentes. Les médecins belges considèrent que les indices manquent pour assurer quelle est la cause du décès. Ils écartent également l’hypothèse d’une asphyxie positionnelle dont les "critères médico-légaux" ne sont pas réunis dans le dossier. En revanche, selon eux, seule la "phase d’immobilisation avec contention dont les détails ne sont pas relatés de manière unanime est susceptible de fournir une piste d’explication".
Autrement dit les gestes techniques exercés par les gendarmes lors du menottage avec "appui momentané des genoux" ont pu entrainer une asphyxie "par contrainte". Les médecins vont même plus loin en écrivant "on peut penser que sans l’application des mesures de contrainte Mr Traoré n’aurait pas présenté l’évolution dramatique constatée ensuite". Il appartient désormais aux juges de décider des suites à donner à cette expertise. Les avocats des parties, comme à chaque étape de cette très longue procédure judiciaire, tirent des conclusions diamétralement opposées.
Pour Yassine Bouzrou, avocat de la famille Traoré, "les médecins affirment très clairement que s’il n’y a pas d’interpellation il n’y a pas de décès. C’est une avancée très importante car pour la première fois des médecins désignés par les juges d’instruction disent la même chose que les médecins que nous avions désignés." Selon l’avocat, il suffit que l’une des causes de la mort soit imputable aux gendarmes pour que la mort leur soit imputable. La famille Traoré demande donc "simplement que la loi soit appliquée et donc que la mise en examen soit prononcée et que l’on aille à un procès pour que toutes ces expertises soient débattues publiquement. Mais j’ai l’impression que jusqu’à présent l’accès de mes clients à une justice normale a été refusée."
À l’opposé, les avocats des trois gendarmes impliqués, Rodolphe Bosselut et Pascal Rouiller soulignent que les experts belges "écartent l’existence de la moindre asphyxie positionnelle dénoncée de façon récurrente par les parties civiles". Ils relèvent également que le rapport conclue que les conditions d’"un syndrome d’asphyxie par contrainte physique sont insuffisamment remplies" quand bien même les experts pointent le rôle manœuvres de contraintes exercées par les forces de l’ordre. Les gendarmes réaffirment donc par la voie de leurs avocats leur "plus totale innocence".
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