REPORTAGE - Élection américaine : en Géorgie, des associations tentent de préserver le vote Afro-Américain

C'est peut-être en Géorgie que tout va se jouer pour Kamala Harris et Donald Trump. En tout cas, les résultats des urnes y seront particulièrement scrutés dans quatre jours, et notamment le choix des Afro-Américains. C'est un électeur sur trois en Géorgie. 

Beaucoup d'Afro-Américains se sont abstenus lors de la dernière élection, ou ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Des associations se mobilisent sur le terrain pour les appeler à se rendre aux urnes, à l'instar d'un bus qui sillonne les routes de l'État.

À Fayetteville, au sud d'Atlanta, le bus s'avance lentement sur le parking d'un supermarché, avec la même écriture orange fluo, de chaque côté : "Le pouvoir du vote". La porte s'ouvre et une dizaine de femmes avec des pancartes à la grosse inscription "Vote" descendent et foncent vers les chariots. "Avez-vous voté madame ?", s'adresse l'une d'entre elles à une passante. "Et toi, tu es inscrite sur les listes ?", poursuit-elle.

Des entraves au vote noir

Celle qui pose toutes ces questions, c'est Verdalia. "Vous vous êtes sentis en sécurité au bureau de vote ?", demande-t-elle à un homme. Elle finit par tomber sur un homme qui a déjà voté. Le problème, c'est qu'il est le seul sur les cinq électeurs de la maison. "Ils sont mal informés", affirme-t-il. Verdalia rétorque en expliquant que "les noirs en particulier pensent qu'on va jeter leur bulletin à la poubelle". L'homme lui répond que "chaque vote noir fait la différence".

À aucun moment Verdalia ne va lui demander pour qui il a voté. Tous deux passeront plutôt quelques minutes à parler de Martin Luther King, la légende de la lutte pour les droits civiques, des Afro-Américains en particulier.

Cette association n'est affiliée à aucun des deux camps, donc pas d'appel au vote Trump ou Harris. En revanche, comme d'autres organisations, elle a constaté des entraves au vote des Afro-Américains en Géorgie. 

À chaque fois que le bus s'arrête quelque part, Sandra, une des bénévoles, commence à entamer la discussion avec la conductrice d'une voiture qui s'est garée près du bus. "Vous savez qu'ils rayent des gens des listes électorales en remettant en cause leur identité ?", demande Sandra. "Justement, ma belle-mère a plus de 80 ans et elle a reçu un message pour lui dire qu'elle ne pouvait pas voter. C'est clairement faux", répond la conductrice.

Des hommes noirs qui votent pour Trump

Sandra finit par lui expliquer la marche à suivre, mais il est peut-être un peu trop tard. "Le gouverneur de Géorgie est républicain. Dans les comtés où ils sont majoritaires, le vote est de 8h30 à 17h. Chez les démocrates, c'est 7h-19h, ce qui fait qu'on peut voter avant ou après le travail. Ça c'est un moyen de discriminer le vote noir", affirme Sandra, avant de poursuivre que "dans les zones rurales, les républicains ont supprimé des bureaux de vote. Certains doivent faire plus de 30 km. Comment font-ils s'ils n'ont pas de voitures ou de transports en commun ? Ils n'iront pas voter".

Ce qui surprend ces femmes, c'est de voir la partie masculine de cet électorat s'abstenir, ou pire, voter pour Trump. Ils sont de plus en plus nombreux à l'avouer. 20% des électeurs noirs pourraient aller vers le candidat républicain. Ici, c'est plutôt un sur dix sur ceux qui ont été interrogés par RTL. 

Daniel, qui remplit le réservoir de sa voiture, répète à plusieurs reprises "Trump, Trump, Trump", en expliquant qu'il ne votera jamais pour une femme. "Ce pays a besoin d'un homme fort, pas d'une femme paresseuse", affirme Daniel. De son côté, assis sur le capot de sa voiture, Gregory rigole : "En tant que personne de couleur, j'en ai marre de voir ces gens venir me voir à chaque élection pour me baratiner, avoir mon soutien, mais juste pour leurs intérêts personnels. Kamala Harris est noire, mais je ne vote pas par rapport à ça".

Le vote anticipé s'arrête ce soir en Géorgie. Pour l'instant, Gregory s'abstient, et se laisse le temps de la réflexion. Un temps que n'ont pas Sandra, Verdalia et les autres, qui sont déjà reparties dans le bus pour sillonner les routes de l'État. Et espérer faire basculer l'élection.