L’un des aspects les plus salués depuis le décès de Jacques Chirac, c’est sa décision de dire "non" à la guerre en Irak. Les Américains retiennent sa "défiance", vis-à-vis des États-Unis en 2003. Il lui a été reproché de prendre la tête, d’organiser une coalition contre l’Amérique, en menaçant de mettre son veto au Conseil de Sécurité de l’ONU, comme il annonçait le 10 mars 2003 à l’Élysée.
Il avait eu l’occasion à plusieurs reprises de mettre en garde le président Bush, il lui a dit notamment qu’il allait déstabiliser le Moyen-Orient pour plusieurs décennies. Et il avait raison. De la Syrie, à l’Iran, des printemps arabes à Daesh, il avait pressenti ce qui allait se passer, ce que nous vivons aujourd’hui.
Mais l’Amérique, ou plus précisément l’Amérique conservatrice, à des fins de propagande, l’a désigné comme l’ennemi, a voulu faire croire qu’il était anti-Américain.
Sa culture et son goût de l’histoire des civilisations l’ont aidé à comprendre mieux que d’autres les fragilités de l’empire américain. De manière générale, il ne croyait pas à l’idée d’une suprématie de l’Occident.
Mais il avait été le premier dirigeant étranger à se rendre à
Ground Zero à New-York quelques jours après le 11 septembre, à survoler le
site en hélicoptère avec le maire Rudy Giuliani, à se recueillir sur le site
des tours jumelles. Jacques Chirac était le
plus Américain des présidents jusqu’alors, en tout cas celui qui connaissait le
mieux l’Amérique.
Il a vécu aux États-Unis en 1953. Il a a passé
un semestre à Harvard, comme il le racontait, en anglais, lors de sa première
visite comme président à la Maison Blanche, avec Bill Clinton. Il expliquait qu’il avait travaillé dans un restaurant Howard Johnson, à la plonge puis comme serveur. Il
s’est même fiancé avec une Américaine, a voyagé de Boston à la Nouvelle-Orléans, puis San Francisco en Californie.
Jacques Chirac admirait l’Amérique. En 1967, quand il était secrétaire d’État à l’Emploi, l’ambassadeur
américain à Paris a souhaité le rencontrer. Il a fait savoir à sa hiérarchie
qu’il y avait au sein du pouvoir gaulliste, si défiant vis-à-vis de l’Amérique, que le général était sorti du commandement intégré de l’OTAN. Il y a fait un jeune
ambitieux, "plus américain que les Américains", indique le rapport
envoyé à Washington.