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"La nature vacille" : un scientifique reste huit mois seul sur une île déserte pour faire un état de santé de notre planète
Matthieu Juncker, biologiste français, a passé 240 jours seul sur un atoll polynésien pour observer l'état de la nature. Il constate que la nature vacille face aux menaces humaines et prépare un film pour raconter son aventure.
Il s'appelle Matthieu Juncker. Ce biologiste français n'est pas Robinson Crusoé ni candidat à Koh-Lanta mais vient de passer huit mois seul sur une île déserte. A partir du 17 avril 2024 et pendant 240 jours, il a vécu seul dans cet atoll perdu des Tuamotu du centre, en Polynésie Française. Il ne révèle pas l'emplacement exact de cette île pour essayer de le préserver.
Il n'était pas là pour tester ses propres limites mais plutôt celles de la nature. Comment va-t-elle avec tout ce que l'humain lui fait subir ? S'il a choisi cet atoll, ce n'est pas par hasard : c'est une île inhabitée, où la nature est foisonnante et les traces de l'homme presque inexistantes.
Il avait installé sur cette île une cabane sur pilotis, disposait d'un téléphone satellite, d'un kayak, de quelques réserves et de bâches pour récupérer l'eau de pluie. "Face à soi-même, pendant des mois, tout remonte, c'est d'une intensité folle", raconte-t-il.
Plastique et coraux morts
Chaque matin, il allait observer les Titis, des petits oiseaux en danger critique d'extinction : il passait des heures à scruter les nids, à noter les allées et venues des parents, à filmer la naissance des petits. "Une coquille qui se brise, le bruit de l'oisillon qui naît, c'est le bruit de la vie", raconte Matthieu Juncker. En 2003, 185 titis étaient recensés dans le monde. L'an dernier, il n'en restait plus de 65.
Après huit mois, seul sur son île, le scientifique pose un constat implacable : "la nature s'accroche, mais elle vacille." Le plastique est partout, même au milieu de nulle part. Les coraux blanchissent et souffre des vagues de chaleur, des eaux qui montent, des tempêtes plus fortes, plus fréquentes dans cette partie du Pacifique Sud. Il raconte qu'"un tiers du récif (coralien) est mort, la température de l'eau est restée au-dessus de 30 degrés pendant plus de cinq semaines et jusqu'à six mètres de profondeur".
Un film en préparation
Matthieu Juncker a vécu des moments très difficiles pendant cette expérience : son téléphone satellite est tombé en panne alors que les émeutes en Nouvelle-Calédonie éclatent et que sa famille est installée là-bas. Il s'est également fait plusieurs frayeurs en naviguant sur son kayak. Il comprend qu'une toute petite erreur peut avoir des conséquences dramatiques.
Huit mois plus tard, Mathieu Juncker est rentré avec les cheveux longs et 12 kilos en moins sur la balance. Il a emmené sa femme et ses filles, quelques jours sur place, afin qu'elles comprennent les raisons de son aventure.
Sur place, il parlait beaucoup à sa caméra qu'il surnommait Wilson comme dans le film Seul au monde avec Tom Hanks. "C'était mon confident. J'ai beaucoup filmé, des milliers de séquences, pas loin de 300 heures." Un film est en cours de montage et devrait sortir avant la fin de l'année. Un long-métrage pour que tout le monde puisse voir, savoir et entendre les Titis, tant qu'il en reste.
