"L'URSS a disparu, le passé ne peut être ramené. Et la Russie n'a pas besoin de cela aujourd'hui, nous n'y aspirons pas". En ce 30 septembre 2022, au moment de ratifier l'annexion de quatre régions ukrainiennes, Vladimir Poutine a beau s'en défendre, la grandeur russe l'obsède. Quelques années auparavant, n'avait-il pas qualifié "l'effondrement de l'URSS" de "plus grande catastrophe géopolitique" du XXe siècle ?
Fin août, le maître du Kremlin ne sera pas de ceux à rendre hommage à Michaël Gorbatchev lors sa disparition. Pour beaucoup en Russie, l'ancien dirigeant symbolise aussi la fin d'un monde. Avec l'annexion de territoires ukrainiens, l'ex-espion du KGB cherche-t-il pour autant à reconstituer l’URSS ?
Galia Ackerman est spécialiste du monde russe et post-soviétique et évoquait justement dans notre podcast Focus, l'influence soviétique sur le futur dirigeant : "Je pense que Poutine, en tant que jeune homme qui a rêvé dès son plus jeune à servir dans les rangs du KGB, c'était quelqu'un qui a été élevé dans l'idée que la Russie devait récupérer la puissance et l'influence de l'Union soviétique. (...) Je pense que Poutine, rêvait d'une part de rendre à l'héritier du KGB son glamour et d'un autre côté, rendre à la Russie son rôle historique qui n'a jamais été plus important que pendant la période soviétique", estimait-elle.
Mais ne faudrait-il pas chercher plus loin cette ambition de reconstituer la grandeur russe ? Le dirigeant évoque régulièrement Catherine II. À cette époque de la fin du XVIIIe siècle, la Russie des Tsars est à son firmament. Jamais les frontières n'auront été aussi étendues.
L'empire, un modèle encore aujourd'hui pour Poutine, selon Galia Ackerman. "Cette matrice impériale, elle dépasse les régimes politiques. Elle était valable pendant la période tsariste. Elle l'était pendant la période bolchevique. Elle est toujours valable maintenant.
"Pendant la période bolchevique, poursuit-elle, il y avait bien sûr le prétexte la révolution mondiale. La Russie est à l'avant-garde de l'Union soviétique, à l'avant-garde de l'humanité. Mais c'était typiquement un empire colonial et les gens qui étaient contre le régime communiste et ils pouvaient rester quand même avec cette matrice impériale.
"Donc, quand s'est produit l'éclatement de l'empire, à la fin de 1991, ça a été vécu comme tragédie et humiliation par beaucoup, beaucoup de Russes, parce qu'ils n'avaient pas d'autre identité, à part cette identité impériale. Et qu'est-ce qui se passe avec l'identité impériale quand il n'y a plus d'empire ? On peut le reconstituer et il y a le ressentiment. Et Poutine a surfé sur ce ressentiment assez répandu".
Et ce "ressentiment", ce sentiment de faiblesse face à un occident triomphant, vécu comme une humiliation en Russie, Vladimir Poutine entend y mettre fin, en annexant aujourd'hui des territoires ukrainiens, quitte à mettre pour cela, la Russie aux bans des nations.
"Après l'effondrement de l'Union soviétique l'Occident a décidé que le monde devrait toujours se soumettre à ses diktats", déclare-t-il le 30 septembre.
"À l'époque, en 1991, l'Occident s'attendait à ce que la Russie ne se remette pas de tels chocs et continue de s'effondrer d'elle-même. C'est presque arrivé. Nous nous souvenons des années 1990, des terribles années 90, affamées, froides et désespérées. Mais la Russie a résisté, s'est revitalisée, est redevenue plus forte et a pris la place qui lui revient dans le monde".