Il est l'un des rares non-humanitaire à avoir pu entrer dans la bande de Gaza ces derniers mois, en accompagnant l'ONG Médecins Sans Frontières cet hiver. Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain, a passé 32 jours et 33 nuits, du 19 décembre 2024 au 21 janvier 2025, dans ce territoire palestinien ravagé par la guerre. Il raconte ce qu'il a vécu un livre : Un historien à Gaza aux éditions Les Arènes.
Invité de RTL Matin, il explique être "arrivé de nuit, escorté par l'armée israélienne avec la lumière des phares des jeeps militaires" : "une expérience assez frappante", dit-il. Jean-Pierre Filiu est arrivé dans un territoire ravagé par les bombardements : "c'est ne plus rien reconnaître du fait des destructions, des ravages. Je connais bien ce territoire, je l'ai arpenté par le passé. J'ai perdu mes repères et j'ai dû, pendant plusieurs jours, les rechercher avant de recommencer à savoir où je suis au milieu d'une véritable mer de tentes où plus d'un million de personnes sont entassées en bord de Méditerranée sur quelques dizaines de kilomètres carrés."
Il raconte "des paysages lunaires, une catastrophe qui n'est pas naturelle, ces destructions de la main de l'homme méthodique, systématique pendant désormais 600 jours et qui font qu'une oasis prospère pendant des millénaires est devenue un lieu de survie quand ce n'est pas un mouroir à ciel ouvert." D'après les chiffres des Nations Unies, 87% des bâtiments d'habitation ont été détruits totalement ou partiellement dans la bande de Gaza.
"Une oasis prospère pendant des millénaires est devenue un lieu de survie quand ce n'est pas un mouroir à ciel ouvert."
Jean-Pierre Filiu, professeur des universités
Jean-Pierre Filiu, habitué des théâtres de guerre, explique que ce qu'il y a de plus tragique dans ce conflit par rapport aux autres est "la concentration et l'acharnement" sur cet "espace très réduit", selon l'historien qui poursuit : "l'ensemble de la bande de Gaza, c'est 360 km² et ça s'est poursuivi avec méthode pendant 600 jours. Donc le résultat est absolument cataclysmique."
Il raconte une "population qui a souffert des pertes considérables, plus de 54 000 morts, dont 16 000 enfants" et "une destruction de l'ensemble des structures de vie, éducatives, sanitaires et sociales. Ça, je ne l'avais jamais vu", affirme-t-il.
De plus, il explique avoir vu la faim et le froid utilisés comme une arme de guerre dans l'enclave palestinienne : "on assiste à ce que j'ai pu appeler une guerre inhumanitaire parce que l'action humanitaire, une obligation en droit international, est totalement instrumentalisée et militarisée et les traitements inhumains sont banalisés. Quand j'étais sur place, c'étaient moins des morts de faim que des morts de froid. Il y a eu plusieurs bébés qui sont décédés d'hypothermie", raconte-t-il.
Une situation que Israël, par la voie de son ambassadeur en France, justifie par un détournement de l'aide humanitaire par le Hamas. Des pillages que Jean-Pierre Filiu a constatés "mais de la part de gangs qui sont protégés et soutenus par l'armée israélienne, y compris des interventions de drones pour tirer sur la sécurité de convois humanitaires des Nations Unies et favoriser les pillages et les pillards."
Sur place, l'historien témoigne d'un "sentiment permanent d'être abandonné du monde entier, et avant tout abandonné du monde arabe et du monde musulman." Jean-Pierre Filiu avance une explication : celle de la "saturation d'images qui fait que les images ne marquent plus parce qu'on en a trop qui nous parviennent." Pour tenter d'expliquer qu'il n'y ait pas le sursaut nécessaire, il rajoute également une forme de déni et de "concurrence des victimes" : "les uns ont leurs victimes, les autres ont les leurs et refusent de voir celles des autres", dit-il.
Sur les otages israéliens, détenus depuis 600 jours dans la bande de Gaza, une vingtaine sont encore vivants : "sur les 251 otages qui ont été kidnappés par le Hamas le 7 octobre 2023, 134 ont été libérés par des échanges et seulement 8 par des opérations de vives forces. Si vraiment le gouvernement Netanyahou avait voulu accorder une priorité absolue à la libération des otages, il aurait suivi une politique très différente dans la bande de Gaza", affirme Jean-Pierre Filiu.
Une situation qui ne laisse pas optimiste, mais l'universitaire veut continuer d'espérer une résolution du conflit : "Quand on a pu voir que cette humanité abandonnée n'abandonnait pas sa dignité, n'abandonnait pas les principes élémentaires de solidarité, d'hospitalité, de partage, alors à ce moment-là, on croit en l'être humain, on croit en ces femmes et en ces hommes et on a envie de retourner les voir dans une Gaza apaisée et libérée", conclut-il.
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