Gaza : Meta a-t-il fortement limité la visibilité des médias palestiniens sur ses réseaux sociaux ?

Meta est dans la tourmente. Ce lundi 16 décembre, l'entreprise a été condamnée par l'Union européenne à une amende de 251 millions d'euros à la suite d'une fuite de données qui avait touché 29 millions de comptes Facebook en 2018. Deux jours plus tard, c'est sa gestion du conflit israélo-palestinien sur ses réseaux sociaux, Facebook et Instagram, qui est pointée du doigt. 

Une enquête de la BBC, publiée ce mercredi 18 décembre, révèle que Meta aurait fortement limité la visibilité des médias palestiniens depuis le 7 octobre 2023. En compilant les données du taux d'engagement - commentaires, réactions, partages - sur Facebook de 20 médias palestiniens, BBC News Arabic est parvenu à estimer la chute de ce taux à 77% depuis l'attaque du Hamas. 

Par exemple, 60% de personnes en moins ont vu les publications de Palestine TV, qui a pourtant 5,8 millions d'abonnés sur Facebook. Depuis l'année dernière, les journalistes palestiniens craignent que leur contenu sur les réseaux sociaux ne soient "shadow-banned", c'est-à-dire bloqués, censurés.

Une différence de traitement

À l'inverse, les médias israéliens ont vu leur taux d'engagement augmenter de 37% sur Facebook depuis le 7 octobre, rapporte la BBC. Les médias arabophones non palestiniens, tels que Al-Jazeera, ont également bénéficié d'une hausse de leur taux d'engagement de près de 100%. Ce constat soulève encore plus de questionnements concernant la différence de traitement des médias couvrant le conflit israélo-palestinien par Meta. 

Cet écart peut s'expliquer en partie grâce au "Facebook Files". En 2021, un document interne révélait des effectifs insuffisants dans ses équipes de modération arabophones. Il y avait seulement 766 modérateurs pour 220 millions d'utilisateurs arabophones. Des mots et des phrases étaient ainsi jugées violentes alors qu'elles étaient en réalité inoffensives. 

Contacté par la BBC, Meta a souligné que l'entreprise n'avait pas caché ces "mesures temporaires" prises en octobre 2023. Elle explique avoir dû faire face au défi de jongler entre le droit à la liberté d'expression et le fait que le Hamas soit considéré comme une dangereuse organisation. "Nous reconnaissons avoir fait des erreurs, mais toute insinuation selon laquelle nous avons délibérément supprimé une voix en particulier est complètement fausse", indique un porte-parole. 

Instagram, une modération durcie

Instagram est également concerné par l'enquête de la BBC. Un employé de Meta, resté anonyme, a partagé au média britannique un document interne. Ce dernier montre que la modération sur le réseau social avait été durcie à l'encontre des commentaires de Palestiniens. "Une semaine après l'attaque du Hamas, l'algorithme a été changé le rendant plus agressif envers les Palestiniens", explique-t-il. 

Le groupe dirigé par Mark Zuckerberg a bien confirmé le changement, mais explique l'avoir mis en place pour répondre à "un pic de contenus haineux" venant des territoires palestiniens. 

Fin 2023, Human Rights Watch avait déjà dénoncé la limitation des publications propalestiniennes sur les réseaux sociaux de Meta. L'ONG estimait que le soutien aux Palestiniens était censuré de façon "systématique" sur Facebook et Instagram depuis le 7 octobre. 

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