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"C’est une dictature" : Boualem Sansal dénonce sur RTL un “acharnement” de l’Algérie après la condamnation en appel du journaliste français Christophe Gleizes

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, libéré il y a moins d’un mois après un an de détention en Algérie, a livré ce jeudi 4 décembre matin sur RTL sa première réaction à la condamnation du journaliste sportif français Christophe Gleizes, écopant de sept ans de prison en appel. Entre indignation et optimisme, l’auteur de "2084" dit espérer une grâce rapide.

Boualem Sansal en interview sur RTL le 4 décembre 2025

Crédit : RTL

"C'est une dictature" : Boualem Sansal dénonce sur RTL un "acharnement" de l'Algérie après la condamnation en appel du journaliste français Christophe Gleizes

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Marc-Olivier Fogiel - édité par Yasmine Boutaba

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Le journaliste sportif indépendant Christophe Gleizes a été condamné en Algérie à 7 ans de prison en appel ce mercredi 3 décembre. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, lui-même emprisonné un an avant d’être gracié par le président Tebboune, a livré sa première réaction dans RTL Matin.

Cette décision a secoué Boualem Sansal, 81 ans, lui-même initialement condamné à cinq ans de prison pour avoir affirmé que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de certaines régions qu'il estimait avoir appartenu auparavant au Maroc. Il a exprimé : "J’étais à la fois effondré et heureux. Effondré parce que l’État algérien n’avait pas besoin de poursuivre dans cet acharnement. Il aurait pu le condamner à six mois de prison et il sortirait aujourd’hui même. Le procureur avait-il besoin de réclamer dix ans ? Pourquoi ? C’est de la cruauté pure, c’est vouloir faire mal, c’est vouloir humilier". 

Puis, il a, malgré tout, affiché son optimisme : "Et heureux, ça y est puisqu’il va sortir. Une heure après, après quelques coups de téléphone passés par là, j'ai compris que la grâce allait venir très rapidement, qu'il faut laisser un peu de temps au gouvernement pour que les choses se calment. Et surtout, les procédures, c'est super important. Je suis confiant. Il va sortir dans une semaine, deux semaines, il va être gracié."

Christophe Gleizes "va sortir dans une ou deux semaines”

L’écrivain franco-algérien a estimé que, contrairement à lui, le journaliste ne représentait pas une figure politique aux yeux du pouvoir. "Christophe n’est pas un homme politique. Il n’a jamais critiqué le régime. Son dossier est léger. Moi, ça fait 25 ans que je critique ce régime, que je le combats. C’était forcément très dur pour moi". 

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Boualem Sansal, gracié le 12 novembre par Abdelmadjid Tebboune, après une demande des autorités allemandes, voit dans la sévérité de la condamnation un mécanisme habituel du système judiciaire algérien. "Il y a un acharnement contre ceux qui sont supposés comploter contre l’État algérien. Ça ne me surprend pas", a-t-il lâché.

L'Algérie, une "dictature"

Interrogé sur l’état du régime algérien après cette condamnation, Boualem Sansal n'a laissé place à aucune ambiguïté. "L’Algérie est une dictature. Mais qui en doute ? C’est une dictature qui n’arrive pas à se corriger, à prendre des manières un peu plus civilisées. On peut être une dictature civilisée, préserver les formes. Nous, elle est brutale, méchante et cruelle."

En Algérie, le journalisme est un crime

Boualem Sensal, écrivain franco-algérien

Selon l’écrivain, il est impossible d’exercer le journalisme en Algérie... du moins c'est envisageable à condition qu'il soit "au service du régime", a-t-il ajouté. Autrement dit, il est n'est pas possible d'exprimer la moindre critique, en tant que journaliste, ou pour quelconque autre métier. "Ce n’est possible pour personne, même pas pour un petit fonctionnaire. Il peut se retrouver en prison pour une remarque faite à son chef. C’est une dictature à la soviétique, une glaciation. En prison, il y a de tout : certains sont incarcérés pour avoir simplement ‘liké’ un texte sur Internet."

Pour Boualem Sansal, l’absence totale d’espace critique rend explosifs des sujets comme l’indépendance de la Kabylie ou la question du Sahara, qui lui a valu sa propre condamnation. "Mais tout est tabou. L’islam, l’histoire, la mémoire… tout. Il faut s’inscrire dans le cadre officiel. En dehors de ça, on ne peut pas vivre", a-t-il affirmé. Lui-même en a fait les frais il y a vingt ans. "J’étais haut fonctionnaire. J’ai été débarqué par M. Bouteflika. Son successeur m’a mis en prison."

Interrogé sur l’idée que ses prises de parole médiatiques récentes auraient pu peser dans la décision de justice, Sansal a admis que cette hypothèse l'a traversé. "C’est peut-être possible. Je n’écarte rien. Quand j’ai quitté l’Algérie, on m’a clairement fait comprendre que j’avais tout intérêt à cesser de critiquer. Mais je veux parler, parce qu’il faut cesser de s’humilier devant le pouvoir algérien. Il faut résister."

Christophe, viens que je t’embrasse !

Boualem Sansal sur RTL

Enfin, Boualem Sansal a affiché une profonde solidarité avec le journaliste français Christophe Gleizes. "Pour moi, c'est un compagnon de malheur. On n’était pas dans la même prison, mais dans la même situation. J’ai beaucoup d’estime et d’affection pour lui."

L’écrivain a déjà imaginé leurs retrouvailles : "Christophe, viens que je t’embrasse ! Il me racontera ses trucs, je lui raconterai les miens. Peut-être qu’on écrira un texte commun sur les centaines de personnes incarcérées arbitrairement chaque jour."

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