Un an après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, les
politiques et les hommes d’affaires retournent à Ryad, pour ce qu'on
appelle le "Davos du désert". Le boycott de 2018 semble loin. En effet, on ne voulait surtout pas se montrer en Arabie Saoudite il y a un an, mais aujourd’hui, pour l'ouverture de la nouvelle édition du "Davos du désert", il y a foule.
Sur la liste des invités de ces trois jours de conférences à
Ryad, on retrouve le gendre et conseiller de Donald Trump, Jared Kushner, le
président brésilien Jair Bolsonaro, le Premier ministre indien Narendra Modi, le roi
Abdallah II de Jordanie, des dirigeants africains... Et pour
la séance de clôture, la cerise sur le gâteau, à côté des ex-dirigeants britannique et italien David Cameron et Matteo
Renzi, on retrouvera un ex-dirigeant français : François Fillon.
Et oui, il y a un an , le 2 octobre 2018 exactement, le journaliste Jamal Khashoggi, chroniqueur au Washington Post, se faisait assassiner et décapiter au consulat saoudien d’Istanbul. La CIA accusait le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane et presque tout le monde, gêné aux entournures, avait annulé sa venue à Ryad pour la deuxième édition du forum des investissements pour le futur. Forum organisé par ce beau prince dont on découvrait les méthodes plutôt tranchantes. Et bien un an plus tard, retour à la raison parce que n'oublions pas que "business is business", les affaires avant tout.
Il y a beaucoup de contrats à signer en Arabie Saoudite. D'abord, ne soyons pas naïfs, l'édition de 2018 a été boycottée, mais les transactions n'ont jamais cessé. EDF et Engie ont, par exemple, des chantiers en cours là-bas. L’Arabie Saoudite, premier exportateur mondial de pétrole cherche une nouvelle voie et veut investir pour préparer l'ère de l’après-pétrole, elle veut aussi introduire en bourse 5% d’Aramco, le géant pétrolier, l’entreprise la plus rentable au monde.
C'est pourquoi, derrière les politiques, on trouve surtout à Ryad, aujourd'hui pour cette série de conférences, des banquiers américains, français, chinois, et des entreprises. Il ne faut pas rater le coche, en fait seuls les grands noms de la tech américaine ne viennent pas : Google, Amazon, Apple et autres. Le prince Ben Salmane aurait bien aimé qu'ils s'installent dans son pays, car l’Arabie Saoudite souhaite rattraper son retard dans le numérique, mais eux ne sont pas intéressés. Ils n'ont pas besoin des pétrodollars pour grossir.
Mais comment le monde des affaires justifie alors son retour à ce forum du désert ? D’abord il y a ceux qui n’ont pas boycotté l’année dernière, comme le patron de Total, Patrick Pouyanné, pour qui la politique de la chaise vide ne fait pas avancer les droits de l’homme. Et puis, il y a quelques jours, le PDG de BlackRock, le premier gestionnaire d’actifs au monde, Larry Fink, déclarait qu’il valait mieux parler publiquement de ses activités en Arabie Saoudite, justement parce que tout n'était pas parfait. Une argumentation comme une autre, c’est vrai que la morale là-dedans on l’oublie vite.
Et puis, même après ce forum, le prince Ben
Salmane sera sur le devant de la scène puisque l’année prochaine, c’est
l’Arabie Saoudite qui présidera le G20, qui regroupe les pays les plus
puissants du monde. Alors la page Khashoggi
, et bien, on la tourne !