Ce rassemblement anti-régime du 10 mai, à Tizi-Ouzou est le premier de cette ampleur à avoir lieu et à être relayé depuis la suspension du "Hirak", mouvement qui a ébranlé le pays pendant plus d'un an. Tout rassemblement est interdit depuis la mi-mars en raison de la crise sanitaire, qu'il soit politique, religieux, culturel ou sportif, épidémie oblige.
Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent quelques centaines de personnes en train de défiler dans la commune rurale de Tizi Gheniff, près de Tizi-Ouzou, à l'est d'Alger.
Il s'agit d'un "rassemblement de soutien aux cinq jeunes activistes convoqués au commissariat", a écrit, sans autres détails, sur sa page Facebook, le député local du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition), Mohamed Cherif Fahem, qui a pris part à la mobilisation.
Les manifestants scandaient les slogans habituels du "Hirak", à travers leurs masques : "État civil et non militaire", "Algérie libre et démocratique".
Depuis le début de l'épidémie début mars et l'arrêt forcé des manifestations du "Hirak", citoyens et organisations de défense des droits humains dénoncent la répression qui s'abat, malgré les risques sanitaires, contre les opposants politiques, des journalistes et médias indépendants mais aussi contre de jeunes internautes qui postent leurs opinions sur Facebook.
"Le pouvoir profite de la crise pour intimider les gens et convoquer les activistes dans l'espoir d'avorter le "Hirak". Le pouvoir pense à sa survie et non à la survie des Algériens", a déclaré le député de l'opposition dans une vidéo également diffusée sur les réseaux sociaux.
"C'est le retour à l'ordre de fer, le même qui, dans les années 1970, imposait à toutes les Algériennes et tous les Algériens de la boucler et de filer droit", fustige le journaliste Akram Belkaïd, dans sa chronique pour le Quotidien d'Oran, journal francophone indépendant.
Cette nouvelle manifestation à Tizi-Ouzou a eu lieu quelques jours après qu'Abdelmadjid Tebboune, le successeur d'Abdelaziz Bouteflika, ait dévoilé la première mouture de ses propositions de révision constitutionnelle à travers le rapport rendu par une commission spéciale, le 7 mai dernier.
Le document comporte 73 recommandations réparties en
six grands axes, dont "le renforcement de la séparation des pouvoirs",
qui concerne les prérogatives du président, du chef du gouvernement et
du Parlement, mais aussi le pouvoir judiciaire et la lutte contre la
corruption.
Les premières réactions sont toutefois mitigées. Une
plateforme de partis et d'associations liés au "Hirak", regroupés au
sein du Pacte pour l'alternative démocratique (PAD), a ainsi rejeté le
projet. Le PAD considère que la satisfaction des revendications
"légitimes" du peuple passe par la mise en place d'"institutions de
transition", dont une nouvelle Constitution, et non une révision de
celle présidentialiste héritée des 20 ans de règne de Bouteflika.
L'avant-projet
est "juste un gain de temps pour acquérir une certaine légitimité",
renchérit Smaïl Maâref, professeur de droit à l'Université d'Alger. "Cette
première mouture est principalement une continuité de l'actuelle
Constitution", a quant à lui déploré l'un des membres de la commission d'experts, Fatsah Ouguergouz, ancien juge de la Cour africaine des droits de
l'Homme, qui a démissionné début avril.
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