Le gouvernement russe, à court d’argent, cherche tous les expédients pour vendre du pétrole malgré les sanctions occidentales. Dernière initiative en date, Moscou vient d’autoriser la navigation de simples tankers, sans blindage, chargés de centaines de milliers de barils, sur la route polaire. Cette route maritime permet de rejoindre l’Asie en traversant l’arctique russe. Elle est praticable entre juillet et octobre, à cause du réchauffement des eaux. Jusqu’ici, il était interdit de la prendre si le bateau n’est pas accompagné de navire brise-glace.
Ce voyage est risqué, puisqu'il est possible de tomber sur un morceau de glace qui peut perforer la coque du tanker et provoquer une catastrophe écologique majeure au Pôle Nord, sans avoir les moyens de la traiter, compte tenu des accès difficiles et du climat hostile. Ces bateaux se rendent en Chine. La Chine, l’un des premiers clients des exportations d’hydrocarbures russes avec l’Inde. Habituellement, les bateaux passent par la route sud, et le canal de Suez.
Mais ce nouvel itinéraire nord permet d’arriver en Chine en 35 jours, contre 25 jours auparavant, ce qui représente une économie de carburant d’un demi-million de dollars, selon le Financial Times, qui a révélé l'existence de ces traversées. Ça vaut pour le pétrole et pour le gaz naturel liquéfié, dont un premier chargement russe est arrivé en Chine le 17 septembre après avoir emprunté la route polaire.
Les Russes souhaitent développer ce passage maritime septentrional, un point clé de la géostratégie de Poutine. Il donne accès à l’Asie sans avoir à passer par l’Atlantique nord-ouest et la Mer Méditerranée, où l’influence de l’Otan est considérable. Toute la route arctique se trouve dans les eaux territoriales russes. La zone intéresse évidemment aussi les Chinois, à cause du transport, mais aussi à cause des gisements d’hydrocarbures et de poissons.
La route polaire sera complètement accessible toute l'année en 2035, compte tenu du réchauffement climatique. Aujourd’hui, elle n'est navigable que l’été. Le reste du temps, les trois quarts de la route sont pris par les glaces. En été, la dangerosité est telle que les Russes imposent à tout navire d’être accompagné par un brise-glace. Ce surcoût annule l’économie de carburant réalisée avec la distance plus courte.
Selon le Center for Research on Energy and Clean Air, les exportations de pétrole brut russe rapportent à Moscou 300 millions d’euros par jour. À cela s’ajoutent 100 millions d'euros de produits raffinés, de diesel notamment, et 100 millions d'euros de gaz de charbon. La Russie tire donc 500 millions d’euros par jour de ses ventes d’hydrocarbures. Soit 15 milliards d'euros par mois, ce qui représente deux fois et demie de moins qu’au déclenchement de l’invasion de l’Ukraine.